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que nous avons faits dans la politique coloniale, nul ne peut dire avec assurance comment ni dans quelles conditions cette affaire évoluera. C’est l’obscur secret de l’avenir.


Nous avons peu de chose à dire des élections sénatoriales du 7 janvier, sinon qu’elles n’ont pas changé sensiblement la composition du Sénat, et c’est peut-être ce qu’on pouvait en attendre de mieux. Les pertes des partis modérés sont très faibles ; presque partout les titulaires d’hier ont été réélus, et il y a lieu de remarquer, comme un phénomène à peu près général, que les candidats radicaux ont dû faire et ont fait pour être élus ou réélus des programmes qu’on aurait qualifiés autrefois de centre-gauche. Ces élections ne donnent donc pas au Sénat une orientation nouvelle ; elles n’ont pas modifié les forces respectives des partis dans l’assemblée ; elles laissent les choses en l’état. Mais c’est déjà beaucoup que les électeurs sénatoriaux n’aient pas voulu faire, comme on dit, un pas en avant, et il y a là pour le gouvernement un avertissement dont il fera bien de s’inspirer.


P. -S. — Nous n’avions pas tort d’écrire, au commencement de notre chronique, que le ministère se survivait à lui-même, mais qu’il ne le ferait pas longtemps et qu’on pouvait le considérer connue mort. L’événement a prouvé qu’il en était ainsi. La démission de M. de Selves, en dépit des circonstances inquiétantes qui l’ont entourée, aurait été un incident ou un accident réparable si le ministère lui-même avait été, qu’on nous passe le mot, en bonne santé ; mais il n’en était rien ; le ministère était, moralement et matériellement, à bout de forces et la moindre secousse devait lui être fatale. A plus forte raison ne pouvait-il pas survivre à l’ébranlement profond causé par le démenti que M. de Selves avait donné à M. Caillaux. Celui-ci a fait pourtant bonne contenance et il a pu croire un moment qu’il avait bouché la brèche ouverte par le départ de M. de Selves. Il avait offert le ministère des Affaires étrangères à M. Delcassé, qui l’avait accepté : il ne restait plus dès lors qu’à trouver un ministre de la Marine, ce qui ne semblait pas très difficile et, en effet, ne l’aurait pas été dans une situation normale. Mais la situation était loin de l’être. On connaît l’histoire ou la légende de ce vaisseau fantôme où tout le monde était mort et qui continuait, au hasard des vents et des flots, sa course dans l’immensité des mers : le vaisseau du gouvernement y ressemblait un peu ; aussi personne n’a-t-il voulu