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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/484

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y monter. Le mouvement, le déplacement de M. Delcassé dans ce monde des ombres a pu donner un moment l’illusion de la vie : elle s’est vite dissipée et le courage de M. Delcassé a été inutile. On n’a trouvé personne pour lui succéder à la Marine. L’amiral Germinet s’est récusé : il vient de prendre sa retraite et a besoin de repos. M. Poincaré, chargé du rapport de la Commission diplomatique du Sénat, n’a pas voulu abandonner sa tâche. M. Millerand a fait savoir qu’il n’accepterait éventuellement que les Affaires étrangères, mais que, plus probablement, il n’accepterait rien du tout. M. Pierre Baudin a prolongé de deux heures l’agonie du Cabinet en demandant qu’on lui laissât le temps de réfléchir et de consulter ses amis : finalement ses réflexions ou ses consultations l’ont déterminé à se dérober. Alors M. Delcassé a témoigné quelques inquiétudes pour la Marine qu’il ne pouvait pas abandonner sans savoir à qui elle reviendrait, et M. Caillaux a compris. Tout s’effondrait autour de lui. Il a proposé à ses collègues de donner collectivement leur démission et c’est la seule proposition de lui qui ait été aussitôt acceptée.

Son ministère, qui n’a guère duré que six mois, a été marqué par quelques velléités heureuses : dans l’ensemble, il laisse, comme les précédens, une impression d’incohérence et d’impuissance. La question maintenant est de savoir comment il sera remplacé. Notre préoccupation principale porte encore plus aujourd’hui sur nos affaires extérieures que sur notre situation intérieure. Il est déplorable que le ministère Caillaux n’ait pas pu vivoter jusqu’au vote du traité franco-allemand par le Sénat, et la Commission sénatoriale y a sa large part de responsabilité. La chute du ministère n’est rien en soi ; mais ce ministère, tout faible qu’il était, faisait partie d’une situation dont nous devions ménager pendant quelque temps les apparences. Derrière ce rideau, nos infirmités intimes se dissimulaient encore quelque peu aux yeux de l’étranger. Le rideau est déchiré, et notre patriotisme s’en alarme. Il n’y a pas un moment à perdre pour constituer un ministère réparateur.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.