Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/531

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Artois, de jour en jour plus enfoncé dans son existence dissolue, grugé par la bande de fripons, de viveurs faméliques, auxquels il a remis le soin de gérer ses affaires, ne songe qu’à tirer de Louis XVI les millions nécessaires pour éteindre ses dettes, le flagorne quand il consent, le vilipende quand il résiste. Sur quelque refus de ce genre, il s’oublie jusqu’à dire tout haut que l’on devrait rayer un n des titres de son frère, ce qui ferait roi de France et avare ; à quoi le Roi, informé du propos, répond avec simplicité : « Je suis avare, en effet, puisque je n’ai d’autre bien que celui de mes sujets. » Quant aux princes des deux branches cadettes de la maison de Bourbon, Orléans et Conti, ils vivent dans une opposition ouverte et presque violente, et ils sont, pour Louis XVI, moins des parens que des adversaires acharnés. Ils donnent d’ailleurs, dans leur vie journalière, l’exemple de tous les scandales, « un vrai fléau pour le pays, » comme l’écrit Mercy-Argenteau.

Les deux belles-sœurs du Roi pensent et agissent comme leurs époux. La Comtesse de Provence, — Madame, selon l’expression usitée, — fausse, hypocrite, cauteleuse, ne perd aucune occasion de dénigrer tout bas les actions publiques ou privées du Roi et de la Reine. Malgré son soin de se cacher, elle réussit par cette conduite à s’attirer, de la part des souverains, une aversion que le sincère Louis XVI n’essaie guère de dissimuler. Laide et nulle, la Comtesse d’Artois répète sottement, dans un jargon semi-français et semi-italien, tous les méchans propos qui circulent dans son entourage et les aggrave sans les comprendre. A observer ces deux princesses, on pardonne aisément à Marie-Antoinette le mépris dont elle les accable dans ses lettres confidentielles : « Si ma chère maman pouvait voir les choses de près, la comparaison ne me serait pas désavantageuse. La Comtesse d’Artois a un grand avantage, celui d’avoir des enfans, mais c’est peut-être la seule chose qui fasse penser à elle, et ce n’est pas ma faute si je n’ai pas ce mérite. Pour Madame, elle a plus d’esprit, mais je ne voudrais pas changer de réputation avec elle[1] ! » Quant aux trois tantes, filles de Louis XV, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, terrées au château de Bellevue, elles persistent à fomenter, avec l’aigreur de vieilles filles oubliées, les sottes histoires, les

  1. Lettre du 13 juin 1776. — Correspondance publiée par d’Arneth.