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diplomatie possible, active, efficace, respectée, si elle ne repose pas sur une force militaire respectable : l’attribution des portefeuilles de la Marine et de la Guerre devait donc être l’objet d’une attention spéciale. Pour la Marine, il est vrai, la question était résolue d’avance. M. Delcassé a parfaitement réussi dans la direction de ce département ; les marins désirent qu’il y reste ; la confiance du Parlement l’y accompagne ; on aurait commis une faute si on l’en avait enlevé pour l’envoyer ailleurs. Mais qui mettrait-on à la Guerre ? Un militaire y aurait été bien à sa place : on ne peut cependant pas faire un grief à M. Poincaré de n’y en avoir pas appelé un. L’attribution du portefeuille de la Guerre à un général ne saurait être un principe intangible, et il faut bien reconnaître que les dernières applications qui en ont été faites n’ont pas été très heureuses. Pourquoi un civil ne réussirait-il pas à la Guerre aussi bien qu’à la Marine, s’il est bon administrateur, laborieux, attentif, méthodique et doué d’une forte volonté ? M. Millerand, que M. Poincaré a choisi, remplit-il ces conditions ? Peut-être. Il y a sans doute quelque hardiesse dans ce choix, parce qu’il y a de l’inconnu ; mais M. Millerand est grand travailleur ; il a l’esprit net et précis ; il sait prendre des résolutions rapides et il l’a montré tout de suite en remaniant le décret qui avait récemment organisé le haut commandement dans des conditions contestables ; partout où il a été, il a laissé de son passage des traces qui ont été plus d’une fois heureuses. On assure qu’il s’est bien entouré au ministère de la Guerre et s’est aussitôt mis à l’œuvre, tout appliqué à sa nouvelle besogne à laquelle il n’a apporté aucun des préjugés si fréquens dans son parti. Il faut donc lui faire crédit et l’attendre à ses actes.

Nous en dirions autant des autres portefeuilles ministériels, si M. Steeg n’avait pas vu substituer entre ses mains celui de l’Intérieur à celui de l’Instruction publique. Pourquoi ce changement ? Par quoi est-il justifié ? M. Steeg, professeur de l’Université, était à sa place à l’Instruction publique, mais rien ne le désignait pour l’Intérieur, et on s’est demandé la raison de ce choix. Nous ne voulons pas préjuger ce que M. Steeg fera place Beauvau : il n’est cependant pas téméraire de croire qu’en l’y mettant, M. Poincaré a entendu donner aux radicaux-socialistes un gage que peut-être ils exigeaient. Il ne faut pas oublier que nous sommes à la veille des élections municipales : les radicaux-socialistes ne l’oublient certainement pas. Nous aurions préféré que M. Steeg restât au ministère de l’Instruction publique : on l’y a remplacé par M. Guist’hau, qui n’a fait