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que passer dans le dernier cabinet Briand et que quelques semaines n’ont pas permis de juger. C’est M. Briand qui a découvert M. Guist’hau : ils étaient sortis ensemble du ministère, ils y rentrant ensemble, mais la rentrée du premier a naturellement une autre importance que celle du second, et il semble que M. Poincaré ait encore voulu souligner cette importance : il a donné, en effet, à M. Briand le titre nouveau de vice-président du Conseil. Le titre ne fait rien à l’affaire : au temps où nous sommes, les hommes ne comptent que par leur valeur propre et celle de M. Briand est grande assurément. On se demande toutefois si, tout on prenant sa part de responsabilité dans la politique générale, il y jouera un rôle très actif, ou s’il ne considérera pas le ministère de la Justice comme un poste d’attente en vue d’un avenir encore indéterminé. Il y a beaucoup de premiers rôles dans le cabinet de M. Poincaré. M. Léon Bourgeois en est un, lui aussi. Sa santé, qui, après avoir été quelque temps éprouvée, est aujourd’hui heureusement améliorée, exige encore des ménagemens : aussi a-t-il demandé le ministère du Travail comme étant celui, il l’a cru du moins, qui lui imposera le moins de fatigues. Depuis quelques années, M. Bourgeois s’est particulièrement consacré aux œuvres sociales, ce qui lui a rendu familières les questions qu’il aura à traiter. Nous lui souhaitons de n’avoir pas, à cet égard, quelques désillusions. Il suffit de dire que le ministère du Travail est celui qui doit pourvoir à l’application, ou plutôt à la refonte de la loi sur les retraites ouvrières, pour qu’on en sente le poids.

Quoi qu’il en soit, un ministère qui, avec MM. Poincaré, Delcassé et Millerand, comprend encore MM. Briand et Bourgeois, est un beau ministère ! On en a peu vu qui présentassent une façade aussi imposante, et derrière cette façade, il y a des forces et des capacités réelles. Sera-t-il le gouvernement réparateur que nous demandions il y a quinze jours ? Nous le souhaitons. Son défaut est de n’être pas homogène ; mais ce défaut ne se fera sans doute sentir que plus tard ; il en est à peine un pour le moment. Bien qu’il ne faille pas exagérer, comme on est parfois tenté de le faire, la gravité des circonstances présentes, la situation est à beaucoup d’égards délicate, et elle exige le concours de forces diverses unies dans un sentiment commun. Pris à partie, à la Chambre, par un orateur de l’extrême gauche qui lui reprochait une trop longue abstention, M. Léon Bourgeois n’a pas eu de peine à lui répondre et a été applaudi par la grande majorité de l’Assemblée. Un passage de ses explications mérite d’être retenu. Il a déclaré que si jamais sa présence au gou-