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vernement exigeait le sacrifice de ses opinions bien connues, il démissionnerait aussitôt. Qu’est-ce à dire, sinon que le gouvernement actuel, pour rester, dans un intérêt supérieur, un gouvernement d’union, doit être aussi un gouvernement d’apaisement, ce qu’il ne peut être qu’à la condition d’ajourner les questions qui nous divisent le plus ? Un tel gouvernement a nécessairement un programme limité ; mais, quelque limité qu’il soit, ce programme peut remplir utilement plusieurs années d’activité parlementaire. Que le ministère Poincaré l’exécute, et il aura bien mérité du pays.

La déclaration qu’il a lue aux Chambres a produit sur elles le meilleur effet : c’est au point qu’au Palais-Bourbon le vote qui a suivi a réuni la quasi-unanimité des suffrages exprimés. Une majorité aussi forte ne saurait être considérée comme normale, mais il n’est pas indifférent pour un Cabinet de se mettre en marche avec cette large provision de confiance : il en acquiert plus d’autorité au dedans et au dehors. Au dedans, une première question est à résoudre, celle de la réforme électorale. Quelle serait l’attitude du nouveau ministère à l’égard du scrutin de liste et de la représentation proportionnelle ? Il était difficile de le dire d’avance, à voir seulement sa composition. Si M. Poincaré et M. Millerand se sont toujours prononcés en faveur de la réforme, M. Bourgeois n’y a pas été moins résolument contraire et, de M. Briand, on ne saurait dire bien exactement ce qu’il en pense. Toutefois, l’incertitude n’a pas été de longue durée : la déclaration ministérielle s’est prononcée fermement pour la réforme. C’est fort bien ; nous sommes convaincus que le Cabinet, en prenant cette attitude résolue, a été l’interprète fidèle du sentiment du pays. Mais pourquoi s’est-il prononcé pour l’apparentement, procédé bâtard qui est en contradiction avec l’idée générale de la réforme et réintroduit dans notre système électoral, par une porte détournée, une partie des inconvéniens dont il s’agit précisément de l’expurger. Il s’est exposé par là à un échec sans importance pour lui, mais qu’il aurait mieux valu éviter.

Faut-il rappeler ce qu’est l’apparentement ? M. Painlevé a inventé le mot et la chose, et nous ne lui en faisons pas compliment, car le mot est barbare et la chose est fâcheuse. Celle-ci se rattache étroitement à ce qu’on peut appeler l’art d’accommoder les restes. En effet, lorsque, dans le fonctionnement du scrutin de liste avec représentation proportionnelle, on a attribué à chaque liste un nombre de sièges correspondant au nombre de fois qu’elle a obtenu le quotient électoral, il reste à peu près toujours des sièges non attri-