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et Fanny. Et ils ont eu une fille, Jeannette, qui a maintenant cinq ans et qui est entre les Montaigu-Villaret et les Capulet-Burdan le trait d’union. Mais j’anticipe. Car, au premier acte, la paix règne dans la propriété de campagne où tout ce monde villégiature. Même on y est en joie. On attend le retour d’un hôte désiré : c’est Richard Burdan. Celui-ci, qui avait dix-sept ans lors du remariage de sa mère, dans un accès de désespoir, est parti pour les colonies. Au loin, son ressentiment s’est apaisé. Il revient pour reprendre sa place dans la maison où il a été élevé. On s’apprête à lui faire fête, non pourtant sans un peu d’appréhension et d’angoisse. Songez que sa mère n’a pas osé lui faire part de la naissance de la petite Jeannette ; ce qui est un postulat bien difficile à nous faire accepter et d’ailleurs n’aura aucune influence sur la suite des événemens. Comment va-t-il accueillir cette augmentation de famille ? Il l’accueille plus volontiers qu’on n’aurait pu croire. Dès qu’il aperçoit la fillette, il a l’intuition qu’une demi-sœur lui est poussée. La voix du sang est une vérité, même dans l’ordre collatéral. Ce colonial arrive farci des intentions les plus conciliantes. C’est d’excellent augure.

Hélas ! l’orage ne va pas tarder à éclater. Nous allons le voir menacer, s’enfler et enfin se déchaîner tout au long du second acte. Les détails, en apparence les plus insignifîans, viennent à chaque instant troubler une paix mensongère. Dans cette famille où un autre a pris la place du chef disparu, les idées ne sont plus les mêmes, les vieux amis de la maison ont cédé la place à d’autres qui jadis n’y auraient pas été reçus. Comme toujours, la question de l’éducation met le feu aux poudres. Le jeune Georges, qui a quinze ans, sera-t-il placé dans une école libre ou dans un établissement de l’État ? Discussions, disputes, finalement gifles et mêlée générale.

Les enfans ennemis ont entraîné dans leur querelle leurs parens respectifs. Père et mère ont pris, chacun de son côté, parti pour leur progéniture et se sont séparés. Tel est le résultat auquel aboutit le retour de Richard. Ce garçon est l’homme intraitable, intransigeant, absolu… dans ses jugemens sur autrui. Mais la vie a d’ironiques démentis. Épris jadis d’une jeune fille qui, pendant son absence, s’est mariée, il la retrouve veuve. Il brûle de l’épouser. Il lui tient exactement les mêmes propos que M. Villaret a dû tenir jadis à Jeanne Burdan pour obtenir qu’elle consentît à se remarier. Alors… Alors le mieux est de replâtrer l’union familiale et de vivre tellement quellement dans le relatif des sentimens humains.

Ce spectacle de divisions intestines, de disputes continuelles,