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En fait, elle exprime une réalité profonde : c’est que certaines défaillances, qu’on nous donne pour purement accidentelles, ne le sont pas. Elles révèlent au contraire un vice de la nature, une infirmité secrète. S’il y a des gens qui sont incapables, en aucun cas et sous aucun prétexte, de s’approprier le bien d’autrui, — et, Dieu merci ! il n’en manque pas, — il est de toute justice qu’on leur réserve, et à eux seuls, le qualificatif d’honnêtes gens. L’individualisme d’aujourd’hui va déjà bien loin dans l’indulgence, quand il nous absout des fautes de nos parens. Va-t-on maintenant nous innocenter des erreurs de conduite qui nous sont personnelles et prétendre qu’à l’âge d’homme nous n’avions pas encore fait nos dents de sagesse ? Il faut pourtant que quelque différence sépare ceux qui ont volé et ceux qui n’ont pas volé… Mais l’auteur de l’Assaut n’a pas abordé de front cette théorie de l’impossible rachat. Il a négligé de présenter dans son ampleur ce débat de l’illusoire pardon et de la justice immanente. Sa pièce ne nous offre que le développement d’une situation, exploitée par un excellent manœuvrier de théâtre, auquel il a manqué cette fois encore d’en faire sortir un peu de vérité humaine.

L’Assaut est excellemment joué, par M. Guitry d’abord, dont le jeu, plus sobre que dans ses dernières créations, n’en a acquis que plus de prise sur le public ; ensuite par M. Signoret, qui a composé à la perfection le personnage de Frépeau : on ne saurait y mettre plus de finesse, de nuances savantes, et de sous-entendus. Le contraste que font les deux artistes, l’opposition des deux manières, est pour le spectateur un plaisir de dilettante. Mlle Lély a beaucoup de grâce et d’émotion dans le rôle de Renée.


Au Théâtre-Antoine, une pièce, non sans mérite, de M. Népoty, les Petits, fait songer au drame bourgeois du XVIIIe siècle, à une comédie de La Chaussée moins larmoyante, à une pièce de Diderot moins déclamatoire. C’est un intérieur qu’on ouvre devant nous. C’est un conflit de famille que nous voyons surgir d’une situation qui n’a rien d’extraordinaire ni même de rare. Deux veufs se sont remariés ; ils ont amené chacun leurs enfans ; on vit ensemble : c’est l’enfer en famille. M. Népoty ne prétend pas qu’il en soit toujours ainsi. Il ne conclut pas au malheur quasiment fatal de toutes les secondes unions. Ni généralisation, ni thèse ; mais de l’observation, parfois aiguë.

Donc Jeanne Burdan veuve, qui a deux fils, Richard et Georges, a épousé M. Villaret, pareillement veuf et père de deux enfans, Hubert