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côtes d’Afrique et d’Asie, des embryons de colonies ; si nous n’avions pas, au moment décisif, revendiqué et conquis « l’arrière-pays » des établissemens que nous occupions, tout avenir se trouvait fermé pour eux ; ils se seraient trouvés, comme nos comptoirs de l’Inde depuis la grande banqueroute coloniale de Louis XV, enchâssés dans des empires anglais ou allemands et finalement condamnés à végéter ou à mourir. Souvent, acquérir est le seul moyen de conserver. L’inaction est funeste aux vaincus ; un peuple qui a perdu l’énergie conquérante est mûr pour devenir un peuple conquis. L’histoire nous l’enseigne : la stagnation est corruptrice ; la santé, pour les peuples comme pour les individus, requiert le mouvement. Lorsque, vers 1880, la France jetait un regard sur elle-même, sur l’Europe et sur le monde, elle se voyait sans alliances, avec son armée et ses finances à peine refaites, divisée contre elle-même à l’intérieur, avec un gouvernement mal affermi : dans ces conditions, poursuivre la révision du traité de Francfort eût été une folle témérité. Une autre carrière s’ouvrait devant elle ; elle y trouverait l’emploi de ses énergies combatives, elle y remplirait la vocation historique qui la destine aux grandes œuvres humaines de civilisation. Le canon qui résonnait en Tunisie, pour la première fois depuis les années douloureuses, eut, dans tous les cœurs français, un joyeux retentissement. La France s’engagea dans la voie nouvelle ouverte à son génie.

Nous n’avons pas à rappeler ici les péripéties de l’expansion française, qu’elles aient été désastreuses, comme la perte de l’Egypte, ou glorieuses comme la conquête de nos colonies d’Afrique et d’Asie. Retenons seulement un trait qui, du point de vue où nous nous plaçons, a sa haute signification. Les phases de notre expansion coloniale ont été, pour la France, plus que pour ses rivales, les étapes héroïques d’une épopée grandiose. Le colonel Baratier, dans un livre qui devrait être mis dans les mains des enfans de toutes nos écoles, a écrit des fragmens admirables de ce roman de notre énergie nationale. La conquête de notre empire colonial a été difficile et nous a coûté cher ; mais quel capital d’héroïsme, quels trésors d’énergie et de foi dans nos destinées françaises n’a-t-elle par mis en réserve pour l’avenir !

Il nous faut maintenant expliquer comment les hommes qui ont gouverné la France ont conçu cette grande œuvre,