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méthodistes ; elle a, dans la Méditerranée, un accord contre nous avec l’Italie ; elle fournit des armes à tous nos ennemis, Samory, Béhanzin, Rabah ; elle excite les Siamois à la résistance et les Annamites à la révolte : dans toutes les guerres coloniales, dans tous les soulèvemens contre la France, nous trouvons la main de l’Angleterre, ses agens, son or ; et, partout, c’est elle qui se plaint des audaces de nos explorateurs, des usurpations de nos officiers. Nous touchons au terme, mais aussi au point critique de « cent années de rivalité coloniale. » De 1891 à 1898, c’est la grande période de notre expansion en Afrique et en Indo-Chine : Dahomey (1892), Tombouctou (1894), Madagascar (1895), capture de Samory (1898), etc. ; c’est la période où il s’agit de délimiter, conformément au principe défini par la Conférence de Berlin (1885), les possessions de chaque pays. Les droits acquis par les explorateurs et les missions des différentes nations s’enchevêtrent, se recoupent, se superposent ; il faut les soumettre à la révision des diplomates. C’est aussi, naturellement, la période de nos plus grandes difficultés avec l’Angleterre. De 1894 à 1898, M. Gabriel Hanotaux, à qui revient l’honneur d’avoir tracé les limites de notre empire africain et d’en avoir assuré l’unité, du Congo au Sénégal et à l’Algérie, négocie et signe avec l’Angleterre, tant en Afrique qu’en Asie, quatorze conventions qui règlent autant de litiges délicats. Ces négociations sont difficiles ; il faut, pour ainsi dire, arracher à l’orgueil britannique, morceau par morceau, notre domaine colonial ; sur place, parfois, les officiers des deux nations se trouvent en contestation violente ; il faut les apaiser, puis, froidement, peser entre diplomates les droits de chacun ; la discussion parfois menace de s’aigrir ; il faut se hâter d’y couper court sans aboutir au conflit (affaire de Nikki, fin de 1897). Dans les deux pays, les vieilles rancunes historiques se réveillent. Au parlement français, les ministres à qui nous devons les empires africain et asiatique dont il n’est pas aujourd’hui un Français qui ne soit fier, encore qu’il ne consente pas toujours à le reconnaître, sont combattus avec violence. Le temps n’est pas encore venu où l’opinion française se passionnera pour un morceau de territoire sur l’Oubanghi ou la Sangha. Un groupe d’hommes actifs, que les diplomates de l’ancienne école appellent, non sans dédain, les « coloniaux, » appuient énergiquement la politique d’expansion et travaillent à convaincre