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passagères, les relations entre les deux pays restent excellentes, Guillaume II, au début de son règne, est plus « anglais » que son grand-père, et l’une des causes de la chute de Bismarck est une certaine défiance vis-à-vis de l’Angleterre, notamment à propos du Maroc. Au temps du comte de Caprivi (1890-1894). la confiance est entière entre les deux gouvernemens ; ils signent, le 14 août 1893, un traité aux termes duquel ils se partagent toute l’Afrique occidentale, sans tenir compte des droits acquis par la France. Le 12 mai 1894, l’Angleterre conclut avec l’Etat indépendant du Congo le fameux traité par lequel, en violation de l’Acte de Berlin et des traités, elle attribuait à l’Etat indépendant les bassins du Congo et du Nil jusqu’au 10e degré de latitude et recevait de lui une bande de 25 kilomètres entre le Tanganyika et l’Albert-Edouard, réglant ainsi, à son profit et d’un seul coup, toute la question africaine. M. Hanotaux venait d’entrer au ministère dans un Cabinet Charles-Dupuy. Il protesta énergiquement contre le traité anglo-congolais qu’il déclara « nul et de nulle portée. » L’Allemagne protesta de son côté, mais elle refusa catégoriquement d’unir sa protestation à la nôtre ; elle entendait ne pas s’associer à nous contre l’Angleterre. Avec le prince de Hohenlohe, la politique de la Wilhelmstrasse devint plus objective. Par le traité de Shimonoseki, qui mettait fin à la guerre sino-japonaise, l’intégrité de l’Empire du Milieu était entamée ; la capitale et le gouvernement de la Chine allaient se trouver sous l’influence directe et la surveillance du Japon. Sauvegarder l’intégrité de la Chine était un intérêt européen, international. L’Allemagne se joignit à la Russie et à la France pour donner, au gouvernement du Mikado, le « conseil amical » de renoncer à l’occupation de la Mandchourie et de la péninsule du Liao-Toung avec Port-Arthur. L’Angleterre, vivement pressée par M. Hanotaux de s’associer aux trois puissances, refusa. Au début de la guerre, croyant à la victoire des Chinois, elle le » avait soutenus[1] ; mais, après leur défaite, elle se fit japonaise. Dans cette affaire, jamais la Russie et la France ne cherchèrent à isoler l’Angleterre, à agir contre elle à son insu ; elle s’est exclue elle-même d’une entente qui, si elle y était entrée, n’aurait pas permis à la Russie et à l’Allemagne de

  1. Voyez des détails caractéristiques dans notre ouvrage : la Chine qui s’ouvre, p. 26, 1 vol. in-16 ; Perrin.