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la reconstruction est une œuvre purement technique. Doit-on établir les fondations nouvelles sur ce terrain peu résistant ? Les architectes italiens ont-ils une expérience et des connaissances suffisantes ? Nos cercles techniques le nient formellement. On n’a encore exécuté qu’à Berlin un ouvrage important sur un terrain similaire : le musée de l’empereur Frédéric. Le conseiller intime Ihne et le conseiller édile Hasak ont inauguré pour ce monument un nouveau système de fondations. Que l’on consulte au moins ces deux experts ! Quant à la reconstruction elle-même, un concours international s’impose. Seuls, les architectes étrangers à l’Italie connaissent à fond l’art antique de la construction et savent traiter la pierre comme il convient. Eux seuls fourniront une solution supportable dans l’esprit de la Renaissance. Autrement, on tombera dans l’architecture de l’exposition de Turin !... »

Quelques jours après, la même feuille revenait à la charge ; « L’Italie néglige l’entretien de ses monumens. D’ailleurs, le ministre ne dispose que de 2 000 francs pour la conservation de 500 monumens historiques. Tous les étrangers donneraient leur obole pour augmenter ce fonds, surtout si les Italiens se débarrassaient de leurs gardiens si assoiffés de pourboires. »

Là-dessus, les journaux d’Italie écumans invitèrent le confrère berlinois à vouloir bien, pour l’amour de l’art italien, ne pas raconter à ses lecteurs de semblables sornettes.

Sans admettre absolument ces objurgations dédaigneuses, nombre de savans italiens concluaient à l’urgence d’entreprendre à Venise de sérieux travaux de restauration ; ils regardaient aussi comme nécessaire le rétablissement du magistrat et des agens de la lagune, qui suivaient autrefois avec attention le mouvement des eaux dans les provinces de Venise et de Mantoue. Depuis quarante ans, les Vénitiens cherchaient à faire voter une loi lagunaire. Par trois fois, les projets s’échouèrent entre la Chambre et le Sénat. Pendant ce temps, l’eau poursuivait ses ravages insoupçonnés. La catastrophe du 14 juillet 1902 détermina le gouvernement à rétablir ce service et à créer un bureau hydrographique pour recueillir et enregistrer les observations.

L’idée de la reconstruction étant passée à l’état de dogme, les artistes vénitiens rédigèrent un chaleureux appel au concours de tous : « En présence de l’immense infortune qui vient