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VII

D’après ce qui précède, tous les devoirs, quels qu’ils soient, offrent un triple aspect : au point de vue de la morale privée, ils sont tous personnels, même quand ils ont pour objet les autres hommes ; au point de vue de la morale publique, ils sont tous sociaux, même quand ils ont pour objet le moi ; enfin, au point de vue de la morale philosophique, ils sont tous universels, quelque particuliers que leurs objets puissent être. Une éducation vraiment complète doit mettre en relief ces trois caractères inséparables qu’offre tout devoir ; mais on peut accorder aux sociologues que, dans l’enseignement de l’État, donné au nom de la société entière, c’est le côté social des devoirs qui doit être surtout mis en lumière[1].

Maintenant, dans l’enseignement, donné par les représentans de la société, quelle est la meilleure méthode à suivre pour assurer l’efficacité de l’éducation morale et sociale ? Rien de plus curieux, dans l’éducation, que l’antithèse entre le culte français de la raison et le culte anglais du sentiment ou de la volonté. En France, un récent congrès d’instituteurs demandait que « la méthode rationnelle, qui consiste à ne laisser entrer dans la conscience de l’enfant ni une idée, ni une opinion, ni une croyance qui n’ait été au préalable contrôlée par la raison, fût employée par l’éducateur à l’exclusion de toute autre. » En Angleterre, résumant la méthode et la tradition de ses compatriotes, un Spencer vous dira, par une affirmation non moins absolue : Identifier la vie avec la raison c ce serait désapprendre à être honnête et noble » (Façts and comments, 1902).

Voilà donc en présence deux opinions aussi extrêmes et aussi unilatérales l’une que l’autre ; le moraliste doit les rejeter

  1. Il est curieux de remarquer que, dans les écoles japonaises, la morale est enseignée principalement sous la forme sociale et sociologique. On peut lire à ce sujet les programmes publiés dans les Documens du progrès (juillet 1911) par M. Yoshio Noda. « Devoirs envers la société. L’individu. La personnalité des autres hommes. La personne, les biens et l’honneur d’autrui. Secret et promesses. Reconnaissance, amitié entre les personnes d’âges différens. Relations entre supérieurs et inférieurs. Le public. Solidarité dans la société. L’ordre et le progrès dans la société. Organisation en commun. Devoirs envers l’État. La Constitution et les loi ». Le patriotisme, le service militaire et l’impôt. L’éducation. Les services publics. Les droits des citoyens. Relations internationales. Devoirs envers l’humanité, etc. »