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aux armateurs des mesures protectrices à l’égard du personnel, en particulier la charge de payer, nourrir et soigner tout inscrit tombé malade en cours de traversée ou blessé au service du navire, de le rapatrier à leurs frais après lui avoir versé sa solde pendant un maximum de quatre mois après son débarquement.

En échange de tous ces avantages, l’inscrit maritime a toujours été soumis à une diminution de sa liberté professionnelle. Jadis il ne pouvait embarquer ailleurs que dans un port et sur un bateau de son quartier, ni s’absenter de sa paroisse sans permission. La marine le considérait comme soumis à une discipline semi-militaire et à la direction constante de son commissaire de quartier. Les inscrits lui font grief de n’avoir pas défendu la caisse des Invalides, grossie de retenues sur leur solde, et qu’ils considéraient comme leur propriété. L’Etat, dans les momens difficiles, a fait main basse sur les fonds, mais on peut le considérer comme libéré de cette dette moyennant la très forte annuité qu’il verse à la caisse depuis lors.

Les marins restent hors du droit commune bien des égards. Il leur est interdit d’aller à l’étranger sans une autorisation spéciale. L’exercice de leur profession est étroitement réglementé. Le décret-loi de 1852 les astreint, une fois engagés à bord d’un navire de commerce, à une discipline particulière, dont les infractions sont jugées par des tribunaux maritimes. Si le marin abandonne son bateau, il est qualifié déserteur et passible de peines sévères. Cette règle, qui fait entrave au droit de grève, soulève les colères du personnel.

Ce n’est pas sans difficulté qu’on entre dans la corporation ou qu’on en sort. On n’est inscrit définitif qu’après dix-huit mois de navigation à titre d’apprentissage. On ne le reste qu’à condition de prendre la mer un certain nombre de jours par semestre. L’Etat ne permet pas qu’on le devienne avant seize ans, si, à treize ans, on ne sait lire et écrire, etc. Enfin les terriens à qui viendrait l’envie de commencer la navigation après leurs deux ans de régiment devraient y être autorisés par le ministre de la guerre et se verraient rappelés au service de la flotte, à moins d’avoir passé leur trentième année, pour compléter la durée du temps exigé par l’armée de mer : charge particulièrement dure à l’homme qui atteint vingt-huit ou vingt-neuf ans.

Le poids exceptionnel de l’assujettissement militaire expliquait