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faire une large place aux Français majeurs non déjà inscrits, naviguant pour apprentissage ; ils figureraient, en effet, sous la dénomination d’inscrits provisoires, et la proportion de ces derniers doit être, pour un dixième au minimum de l’équipage, constituée par des novices de dix à dix-huit ans. La part laissée aux débutans plus âgés se trouve donc bien réduite.

Les statistiques montrent que sur 77 784 inscrits de vingt à cinquante ans, dont se compose la population maritime, 18 779 seulement, c’est-à-dire 24 pour 400, naviguent au long cours ou aux grandes pèches. Voilà l’effectif total des véritables marins de haute mer ; là le commerce doit puiser les trois quarts de son personnel. Nous avons vu que la classe annuelle d’inscrits avait en sept ans diminué de 900 hommes, soit plus de 15 pour 100. En 1874, les inscrits se trouvaient encore 151 826 ; et trois ans après, M. Lecesne, auteur d’une proposition de loi sur la matière, pouvait dire que pour les deux tiers d’entre eux, représentés par les pensionnés que l’âge, la famille ou le bien-être retiennent le plus souvent à terre, la mer n’était plus qu’un passe-temps ou un souvenir. La plupart des autres sont au service de la flotte de guerre. On voit sur quel marché fermé l’armement commercial doit s’approvisionner de personnel. Que ses besoins augmentent momentanément et coïncident avec une prolongation de la levée militaire effective, avec un courant en faveur de telle ou telle industrie maritime entière, avec une année de pêche florissante, et il se verra à la merci d’un recrutement sans véritable concurrence, obligé d’accepter sans choisir les hommes qui s’imposeront, les prix qu’ils voudront exiger.

Cette étroitesse du marché de travail ne peut que s’accentuer à mesure que la puissance des mécanismes et la complication des grands bateaux modernes différencie les deux métiers de la grande navigation commerciale et de la petite pêche. On meut actuellement d’énormes paquebots avec quelques hommes et l’ampleur des intérêts engagés sur mer dans le trafic international contraste avec le faible chiffre de la population entretenue par lui, formée à son école. A cet égard, la marine de guerre, qui se rapproche du transport hauturier et le dépasse encore en complication technique, représente une école supérieure d’enseignement maritime. Il n’y a point de profit pour les hommes d’esprit trop grossier, fussent-ils accoutumés à la