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je me consultai. Mais, basta ! Procès en perspective ; avoués, experts, avocats à payer, et tant d’argent à recevoir !… D’ailleurs, un long séjour à Sorrente, même sous les feux de la canicule, m’alléchait. D’attrayantes excursions ! Je visiterais le couvent de La Campanella, Positano, Amalfi, Salerne la médicale, l’imposant Pœstum. Que de croquis à prendre, de curieuses figures à crayonner !… Oui ; mais quelle sorte de princesse était cette inconnue D. Campofiori ?

Désireux d’être renseigné, je me transportai dans les bureaux du Comptoir, et demandai M. Rutli. Il était absent ; ce fut son associé qui me reçut.


XII. — LE CONSEIL DU SAGE

Fils, petit-fils, arrière-neveu de banquiers genevois, M. John Meurisier (pourquoi John ?) est, nul ne l’ignore, un fervent piétiste. Né dans la Haute-ville, sous l’ombre sanctifiante des massifs clochers de Saint-Pierre, il a importé dans Paris les ardeurs de son « momiérisme, » et les bénédictions de l’Eternel Dieu se déversent sur sa maison : il vient d’obtenir, au Maroc, la concession des mines de Sidi Abdallah.

En pénétrant dans son cabinet, je fus édifié, car le vénérable sanctuaire n’a rien de cet ameublement à la dentiste, trop en usage chez nos potentats des émissions. Buste de Calvin sur la cheminée ; versets de l’Écriture, au long des murailles ; Bible d’Ostervald, bien en évidence ; portraits d’illustrations romandes, mais pures et sans péché ; ni Jean-Jacques, ni Fazy, ni Mermillod ; des Bonnet, des Saussure, des Simonde-Sismondi, des Pictet, des Amiel, même, je crois, M. Naville : on se fût cru chez un pasteur de l’Église réformée. Sexagénaire obèse, face rougeaude d’où tombe en cascade une barbe à la Coligny, M. Meurisier père m’accueillit d’abord d’assez grincheuse façon : les élus eux-mêmes sont parfois de méchante humeur… « Que désirez-vous ?… » Je prononçai mon nom, et il se fit aussitôt aimable :

— J’ai fort admiré, monsieur Blondel, votre portrait de la baronne Elias. Intéressante personne ! Son mari, intelligent financier, entreprend beaucoup d’affaires avec notre Comptoir.

— Trop flatté de vos éloges !… Pouvez-vous, monsieur, me