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fournir quelques renseignemens au sujet de Mme la princesse Campofiori ?

— Bien volontiers !… Elle est la veuve du prince Gaétan, un gentil garçon, mais trop amateur des coulisses, qui s’est suicidé. « Le fou vit et meurt selon sa folie, » nous apprennent les Proverbes de Salomon.

— Suicidé ?… Gens peu sérieux, ces Campofiori !

— Très sérieux et honorablement riches : ils sont nos cliens.

— Mais la princesse ?

M. Meurisier me regarda, surpris :

— Vous m’embarrassez. Certes, la pauvre femme ne possède aucune de ces vertus qu’exige l’Écriture. Au cours de son existence dissipée,… tranchons le mot : libertine, elle a filé tout autre chose que la quenouille d’une Rébecca… Du reste, vous la connaissez, sans aucun doute : Esther Mosselman, la célèbre Diva !

Ce nom de Mosselman me fît tressauter : il évoquait en moi de lointains et si douloureux souvenirs !

Mlle Diva, la chanteuse ?

— Chanteuse ?… Admirable cantatrice, cher monsieur ; la première artiste lyrique des États-Unis : cinq cents dollars par représentation !

— Peste ! Le prix d’une de mes pochades !

— Veuve, à présent, notre prima donna revient à ses amours : on va bientôt entendre la Campofiori sur les planches de San-Carlo… « Le chien retourne vers ses vomissemens, » nous enseignent encore les Proverbes.

Peu galante, la comparaison du mômier ! Quant à moi, j’étais abasourdi… Princesse !… De pareilles aventures ne sont pas rares, et toutes nos petites élèves du Conservatoire espèrent bien devenir, un jour, duchesse ou marquise. Mais princesse, cette Mosselman, la compagne d’Hortensia Niniche, l’ancienne goualeuse du Garibaldi !… Autre chose encore m’intriguait : qu’était devenu son Davison ?

Mlle Diva, repris-je, m’est une vieille connaissance ; j’ai assisté à ses débuts. Ne fut-elle pas enlevée, jadis, par un richissime Américain ?

— Oui, par Bob, le gros Davison. Il l’épousa, et s’est tué.

— Lui aussi ?… Votre cliente ne porte pas bonheur au lit conjugal.