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fit savoir qu’en leur honneur Esther se proposait de financer.

— Oui, je vais jouer Lazare, reprit le bellâtre,... et cependant je ne comprends rien de rien à ce personnage. Que nous veut-il avec ses oremus ? C’est un monsieur du Bon Dieu, d’accord ! Un homme cependant, en chair et en os ! Je veux changer le dénouement. Pourquoi, lorsque la Sirène appelle ce discoureur, ne tombe-t-il pas dans les bras de la magicienne ?... La passion, monsieur, toujours la passion !

— Vous avez le cœur inflammable, monsieur di Sant’Angiolo ?

— Un Vésuve !... Notre vie d’artiste n’est faite que de passion. On rencontre une divine prima donna ; elle plaît ; elle semble désirable : on lui fait discrètement comprendre l’ardeur de son amour. Oh ! ni sonnet, ni prosaïques paroles ; du chant accompagné de soupirs... Il balen del stio sorriso... Et alors...

— Alors, l’héritier des Césars byzantins s’installe au Palazzo Sirena.

— Farceur !... Autre chose me chiffonne : comment était habillé Lazare ? En noir, en gris, en blanc ? La robe de dominicain me siérait assez. Avec mon pâle visage qu’embellirait encore une barbe brune, je produirais un puissant effet. Oui, mais ce Lazare fut-il accoutré en Savonarole ? Moi, je veux respecter la vérité historique... Pourriez-vous me fournir quelques détails à ce sujet ?

— Adressez-vous à ces messieurs de La Crusca.

— Ils ne me répondraient pas... Où diable ! me procurer ce renseignement ?

Il demeura, un instant, pensif ; mais soudain se frappant le front :

— Eurêka !... Tout à l’heure, si nous rencontrons le moine, je lui poserai ma question.

— Quel moine ?... Un religieux, expert en costumes de théâtre ?

— Moine étonnant ! La terre, le ciel, l’enfer n’ont plus de secrets pour lui. D’un geste il fait fleurir les orangers, amène le thon et la rascasse dans les mailles des filets, détruit les chenilles ou les belettes, distribue à sa guise la rosée, la pluie, le vent, le soleil. Bétail, chevaux, poulets, femmes hystériques, enfans convulsionnés, — ce monsieur guérit toute créature malade.