Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses princes et ses nobles, ses vice-rois, ses maréchaux et leurs huit bannières dans les déserts d’où ils sont venus. Les Chinois, libérés du joug, consciens et organisés, sauront eux-mêmes se préparer une nouvelle et glorieuse destinée.

Tels sont les sentimens qui bouillonnent dans les âmes de ceux à qui les théories de Kang-Yu-Onei paraissent aujourd’hui timides et rétrogrades. Ce n’est pas à quelque opportuniste adaptation de la civilisation européenne aux principes de Confucius qu’ils demandent le salut de l’Empire, mais à la suppression complète des entraves du passé, à la transformation radicale de la vieille société chinoise que doit animer désormais un esprit nettement démocratique et républicain.

Mêlés à leurs compatriotes des provinces du Sud, ils ont propagé avec adresse, dans les grandes villes où le souvenir de la tentative des Taï-Pings est encore vivace, leurs idées qui ont cheminé doucement à l’abri des revendications locales, des intérêts menacés de corporations. Ailleurs, les associations agricoles, industrielles ou commerciales dont ils font partie et où ils prennent un rôle prépondérant ; les sociétés secrètes où ils se font inscrire et dont ils ne tardent pas à diriger les actes, ont cessé d’être des coalitions d’intérêts professionnels, des syndicats de secours mutuels pour devenir, à leur insu, des groupemens d’agitation révolutionnaire au service des politiciens. Cependant, les grèves, les révoltes partielles qu’ils fomentaient, les accès de fureur antidynastique ou de haine contre l’étranger qu’ils provoquaient périodiquement dans les régions les plus diverses de l’Empire, n’étaient jusqu’ici que des tentatives isolées qui ne parvenaient pas à mettre en péril l’existence du gouvernement. Cette agitation stérile émoussait leur ardeur, ces échecs répétés ébranlaient leur confiance, quand Sun-Yuat-Sên leur démontra les avantages de la cohésion sur la dispersion des efforts. Il leur exposa son programme d’action qui les séduisit. La « Jeune Chine » s’organisa. La Révolution chinoise avait un chef.

Sun-Yuat-Sên est un des plus intéressans parmi ceux des Asiatiques éclairés qui tentent d’émanciper l’Asie de la tutelle ou de la suprématie des étrangers. Il veut démolir la façade impériale et détruire les témoignages de déchéance nationale qu’elle accuse : les gardes des Légations, l’exterritorialité, le contrôle des Douanes, les enclaves étrangères dans les grandes