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villes, les concessions de mines et de chemins de fer. La Chine doit prendre dans le monde la place qui lui revient par l’étendue de son territoire, le nombre et les qualités de ses habitans ; elle doit avoir, comme le Japon et le Siam lui-même, les prérogatives complètes des nations civilisées, devenir maîtresse de son administration et de ses revenus, se dégager des protections humiliantes, effrayer les convoitises, forcer l’estime en acceptant les charges léguées par un régime déchu, se préparer un avenir glorieux et vengeur.

Tout le passé de Sun-Yuat-Sên garantit la précision de la méthode, l’acharnement de la volonté dans la destruction du vieil ordre social. Ce fils de Cantonnais, né vers 1865 aux îles Sandwich et vaguement christianisé, étudiant laborieux à Tien-Tsin, puis à Hong-Kong où il est reçu médecin, expulsé de Macao qu’il avait choisi comme base de propagande révolutionnaire, fondateur de la « Jeune Chine » où il fusionne les patriotes et les déracinés avec leurs appétits, leurs colères et leurs illusions, est devenu légendaire par ses tentatives d’où l’audace folle n’exclut pas l’observation et le calcul. Déclaré hors la loi, la tête mise à prix pour ses pétitions au trône, ses campagnes de presse et l’aventure de Canton dont il faillit se rendre maître vers 1896, le gouvernement le considérait depuis lors comme un adversaire dangereux. A Londres, où il se réfugia, le ministre chinois le fit attirer dans un guet-apens, l’emprisonna dans la Légation, d’où il allait être conduit en secret à Pékin. Il fut assez adroit pour prévenir ses amis, et l’impérieuse intervention du gouvernement anglais lui rendit la liberté. Pendant son séjour en Europe, il était entré en relations avec des personnalités politiques, des groupemens occultes qu’il avait captivés par son programme de lutte contre l’absolutisme impérial : il devait en recevoir, quelques années plus tard, une aide efficace. Il courut de nouveau le monde, compléta ses études au Japon où « le docteur Tokono » devint bientôt célèbre. En 1900, il est avec 10 000 partisans sur le Si-Kiang, d’où il ordonne à ses fidèles de punir partout le pillage, de ménager les habitans, de respecter les existences et les propriétés des missionnaires et de tous les étrangers. Lnu-Vinh-Phuoc, l’ancien chef des Pavillons-Noirs devenu général de l’Empire, lui interdit l’approche de Canton. Il médite alors un complot à la manière de Saint-Réjant et de Malet : l’indépendance