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cette étude, la masse grouillante des Chinois de la plaine et de la montagne, des villes et des bourgs, croit que le succès de la Révolution amènera l’âge d’or, par la suppression des impôts, des réquisitions, des corvées et des mandarins. Le désarroi général, qui accompagne toutes les convulsions politiques, les confirme dans cette croyance, car il arrête, pour un temps, la vie administrative et ses manifestations. Les représentans de l’autorité déchue sont partis, se cachent ou cherchent à se faire pardonner leur présence ; les agens du pouvoir nouveau se font amènes et tolérans pour ne pas effaroucher les sympathies naissantes. Les contributions ou les prises de guerre suffisent, dans les débuts, aux besoins financiers de la Révolution ; les militans qui la soutiennent par conviction, ou par intérêt, assurent par zèle bénévole un fonctionnement sommaire de l’organisme social. D’ailleurs, c’est dans les villes que se décide le sort du conflit, et les campagnes lointaines échappent aux troubles de la fièvre politique des cités. Or, nous savons comment une préparation méthodique peut y rendre faciles des succès retentissans. Plus tard, après le triomphe définitif, sur les villageois sans méfiance, la bureaucratie de la Chine républicaine étendra un filet obligations plus lourd et plus serré que celui du régime patriarcal des Mandchous ; la centralisation gouvernementale remplacera l’indépendance des provinces par un fédéralisme helvétique ou américain ; en attendant, campagnards et citadins mènent la vie joyeuse du contribuable en grève. Il n’en faut pas davantage pour rendre sympathique an gouvernement nouveau.

Donc, dans les provinces, la Révolution chinoise à son aurore signifiait liberté absolue, éloignement indéfini du cauchemar administratif. Le gouvernement impérial signifiait au contraire aggravation des charges publiques, imminence de la guerre civile avec son cortège d’horreurs. D’une part la licence, de l’autre la contrainte. La fidélité des quatre dernières provinces monarchistes a résisté difficilement à cette comparaison. Et les quelques troupes dressées d’après les principes européens n’étaient plus capables de modifier à elles seules la suite inévitable des événemens.

De l’armée impériale qui était l’orgueil de Yuan-Chi-Kaï, de Yin-Tchang et du Régent, qui étonnait les attachés militaires, inquiétait les prophètes, enrichissait les fournisseurs, il ne restait plus que quelques détachemens épars autour de Pékin. Leur