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en effet la disparition de la monarchie. Sans résistance, il lâchait pied devant toutes les exigences des républicains. Quand Wou-Ting-Fang assura que l’incapacité reconnue des Mandchous rendait inévitable et nécessaire l’établissement d’une République où Chinois et Mandchous seraient égaux, le plénipotentiaire impérial transmit à son gouvernement une proposition de consultation nationale. Contre toute attente, Yuan-Chi-Kaï, de concert avec l’impératrice douairière et les princes du sang, accepta ce projet et, fin décembre, il lui donna comme base un mémoire où il préconisait la création d’une république fédérative gouvernée par un monarque héréditaire et un président. Wou-Ting-Fang était invité à rédiger un règlement électoral pour la convocation de la future Assemblée nationale, qui serait soumis à l’approbation du gouvernement de Pékin. Par un édit du 29 décembre, l’impératrice douairière annonçait au peuple chinois que la dynastie et les Mandchous obéiraient docilement à la volonté de l’Assemblée.

Mais après l’arrivée de Sun-Yuat-Sên, Wou-Ting-Fang esquivait les dangers de la temporisation et précisait ses exigences avec brutalité. Il refusait au gouvernement impérial le droit de prononcer des emprunts jusqu’au vote définitif de l’Assemblée ; il réclamait l’évacuation de plusieurs provinces ; sans tenir compte du chiffre de la population, il déterminait arbitrairement le nombre des délégués ; il en fixait le quorum, aux deux tiers, et la réunion à Changhaï. Sun-Yuat-Sên lui prêtait en outre l’appui de la pression morale en faisant connaître son intention de rompre l’armistice si les discussions traînaient en longueur, et de lancer toutes les forces républicaines vers Pékin.

La Cour ne se croyait servie que par des traîtres. Les pusillanimes, les avares, conseillaient de nouveau la fuite à Jehol. Les groupes financiers, incertains, fermaient leurs caisses. Tuan-Fang, un des meilleurs soutiens de la Chine monarchiste, venait d’être massacré par ses troupes en allant rétablir l’ordre dans le Seu-Tchouan ; les soldats de Laïn-Tcheou s’étaient mutinés et livraient l’arsenal aux rebelles. Yuan-Chi-Kaï, découragé, parlait d’offrir sa démission si la famille impériale, les princes et les nobles mandchous n’offraient leurs trésors en sacrifice à leur cause. En vain, les conseillers du trône, qui savaient l’histoire, leur citaient en exemple Louis XIV monnayant