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rendaient apparentes les divergences entre les républicains. Li-Yuan-Houng, leur généralissime et chef nominal, d’accord avec Yuan-Chi-Kaï, comptait recevoir la mission de traiter en leur nom et proposait Han-Keou comme centre des négociations. Mais les membres du gouvernement provisoire se méfiaient des sympathies anciennes qui unissaient leur chef à Yuan, comme ils redoutaient pour lui les funestes tentations de la force et de l’éloignement. Ils préféraient Changhaï qui, par sa situation géographique, la présence d’une colonie étrangère nombreuse et d’un corps consulaire complet, donnerait aux débats une publicité mondiale. Le gouvernement impérial, cependant, crut pouvoir passer outre à ce désir, et Tang-Chao-Yi s’achemina vers Han-Keou. La riposte ne se fit pas attendre. La délégation provinciale réunie à Nankin refuse à Li-Yuan-Houng la qualité qu’il réclamait, et le plénipotentiaire de la dynastie est obligé de se rendre à Changhaï pour s’y rencontrer avec Wou-Ting-Fang, désigné comme mandataire des républicains.

Soit pour compromettre le premier ministre auprès de son gouvernement et des Légations étrangères, soit par scepticisme à l’égard des sentimens monarchistes de Yuan-Chi-Kaï, les dirigeans de la Révolution affectaient de lui offrir la présidence de la République. L’attitude équivoque du représentant impérial, d’ailleurs, pouvait entretenir leurs espérances. Tang-Chao-Yi, dès l’ouverture de la conférence, le 18 décembre, s’affirmait bénévolement partisan de la paix à tout prix. Pour montrer à Wou-Ting-Fang la sincérité de ses intentions pacifiques et son mépris des préjugés, il allait même jusqu’à se déclarer républicain.

Tang-Chao-Yi était, de notoriété publique, le confident de Yuan-Chi-Kaï. On s’explique donc que les républicains aient pu sincèrement soupçonner le premier ministre du gouvernement impérial de jouer un double jeu. Leur conviction dura jusqu’après le retour de Sun-Yuat-Sên qui arrivait le 26 décembre, et faisait, le 1er janvier 1912, son entrée à Nankin. Proclamé aussitôt Président de la République chinoise à l’unanimité, le chef suprême de la Révolution télégraphiait encore à Yuan-Chi-Kaï pour lui en offrir le titre et les pouvoirs, en déclarant qu’il se contenterait de la vice-présidence dont on écarterait Li-Yuan-Houng.

De capitulations en capitulations, Tang-Chao-Yi consacrait