Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bas-reliefs et fresques, — sont, en effet, fort anciennes. Le monument le plus remarquable est une chaire romane, tout en marbre noir, où sont sculptés différentes figures, les attributs des quatre évangélistes et deux curieux panneaux qui représentent le christianisme et le paganisme, sous les traits respectifs d’un griffon et d’un crocodile, triomphant alternativement l’un de l’autre. Si cette interprétation, que me donne le gardien, est exacte, voilà un artiste qui savait ménager l’avenir... De nombreuses fresques ornent les piliers, les voûtes et les murs des chapelles. Les meilleures sont de Gaudenzio Ferrari ; mais il est regrettable qu’elles aient recouvert des œuvres antérieures que l’on retrouve encore. A certains endroits, on aperçoit même les restes d’une peinture primitive sur laquelle ont été superposées les deux autres. Il est à souhaiter qu’on essaie de rendre au jour ces vieilles décorations gothique et byzantine, en transportant ailleurs les œuvres de Ferrari déjà fort abîmées par le temps et par la bêtise des visiteurs qui tinrent à y graver leur nom. Consolons-nous en constatant que celle-ci ne date point d’aujourd’hui : le gardien m’indique avec orgueil des inscriptions qui datent de 1536... Il veut ensuite m’entraîner dans la crypte où repose le corps de saint Jules, puis dans la sacristie, pour me montrer des tableaux et un os de serpent gigantesque, car la légende veut que l’île ait été longtemps inhabitable à cause des reptiles qui y pullulaient ; mais je profite d’un moment où il va au-devant d’autres visiteurs pour lui fausser compagnie. Dehors, un soleil radieux resplendit. Rarement journée sera si pure et si lumineuse. Dans le lac, qui n’a pas une ride, les villages et les collines se mirent avec une parfaite précision. L’eau est d’un vert uni, pareil à des émeraudes fondues, qui rappelle la belle image de Dante quand il la compare au fresco smeraldo a l’ora che si fiacco. Les parfums des jardins arrivent en chaudes bouffées ; parfois, à certains souffles plus forts, les senteurs sont si denses que la barque paraît entrer dans un nuage odorant.

Mais le jour commence à baisser. Avant la nuit, je veux gravir le coteau boisé qui s’avance en promontoire et dont la cime est entièrement occupée par un Sacro Monte comme il y en a tant dans la région. Les vingt chapelles qui le composent, et dans lesquelles des groupes en terre cuite peinte racontent la vie de saint François d’Assise, n’ont rien de bien remarquable ;