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Italiens pourraient prendre la devise de certains cadrans solaires : Sine sole sileo.

A partir de Borgosesia, les montagnes se resserrent, la vallée devient plus pittoresque. Et bientôt apparaît Varallo, dans une splendide position. Ses toits clairs se tassent au fond de la gorge, dominés pur de vertes collines derrière lesquelles surgissent de hautes montagnes. L’aspect de la ville est très particulier. Bien que l’on soit près du mont Rose, on n’a pas l’impression des bourgs alpestres. On trouve des maisons vastes et bien construites, des magasins importans, des marchés en plein air avec de riches étalages de fleurs et de fruits. Il y a aussi de grands et modernes hôtels ; mais aucun ne vaut l’antique auberge qu’on m’avait indiquée et dont la réputation centenaire se justifie toujours. On y prend ses repas sur une terrasse au décor vieillot, ombragée de vignes-vierges, suspendue en quelque sorte au-dessus de la Sesia, juste à l’embouchure du torrent Mastellone dont les truites célèbres figurent à chaque menu. Tout d’ailleurs y est exquis : poissons, perdreaux, pèches, raisins, sont parfumés comme chez moi, dans cette vallée de la Drôme chère aux gourmets, où le Dauphiné et la Provence se mêlent pour offrir ce que leur sol a de meilleur. Une fois de plus je trouve une ressemblance à bien des points de vue frappante entre mon pays et les régions des Alpes italiennes situées à ces mêmes altitudes de quatre à huit cents mètres. L’an dernier, j’avais eu cette sensation dans le Cadore, d’où Titien envoyait à son cher Arétin des gibiers et des fruits qui faisaient l’orgueil de la table la plus délicate de Venise...

La renommée de Varallo tient surtout à son Sacro Monte qui, de tous les sanctuaires de la contrée, est le plus important et le plus curieux. Il se dresse au-dessus de la ville, au sommet d’une colline boisée sur laquelle il forme une véritable cité. Vu de la vallée, quand on approche de Varallo, il rappelle ces bourgades de Toscane ou d’Ombrie dont les blanches murailles couronnent les coteaux tapissés d’oliviers. Le moine qui fonda ce pèlerinage, à la fin du xv" siècle, eut l’ambition d’en faire la nouvelle Jérusalem, et la montagne qui le porte devait, aux yeux des fidèles, représenter le Golgotha. On y monte en une demi-heure, par un chemin assez rude, aux cailloux pointus, mais à l’abri des plus vénérables châtaigniers qui se