Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissent voir. Rien n’est beau comme ces bois de vieux châtaigniers, parure des Alpes piémontaises : sous leur large frondaison, l’air et la lumière ne cessent de circuler ; entre les troncs, si vigoureux que rien ne peut vivre près d’eux, il n’y a pas de fourrés ni de ces coins humides encombrés d’une végétation parasite, où l’on sent grouiller tout un monde de reptiles et d’insectes ; l’ombre y est nette et claire, et le soleil seul, à travers les branchages, la troue de ses rais d’or.

Du sommet, la vue s’étend sur tout le Valsesia et sur les hauteurs qui le dominent. J’avoue que j’ai préféré jouir de ce panorama au lieu d’entrer dans chacune des quarante-cinq chapelles où des groupes en terre cuite peinte et des fresques reconstituent plus ou moins artistiquement les divers épisodes de l’histoire du Christ. J’ai simplement, au passage, regardé celles que décora Ferrari. Car, autant que pour le paysage, je suis venu à Varallo pour le plus célèbre de ses enfans, le bon peintre Gaudenzio Ferrari qui naquit à Valduggia, tout près d’ici, et habita Varallo pendant la plus grande partie de sa vie. Voilà encore un de ces artistes qui, dans tout autre pays, serait illustre. Mais l’Italie est si riche qu’elle l’a un peu dédaigné. Sa gloire n’a guère franchi la contrée où, il est vrai, la plupart de ses œuvres sont demeurées.

On a déjà une idée du talent de Ferrari quand on a vu ses tableaux de Novare, de Canobbio et de Côme, ses fresques de Verceil et de l’île d’Orta, et surtout cette magnifique coupole de Saronno, que j’ai admirée l’autre jour, et que l’Histoire de l’Art d’André Michel met au rang des principaux monumens de la peinture italienne en la comparant à celle du Corrège. Mais on ne peut vraiment le connaître qu’à Varallo et, spécialement, dans la petite église de S. Maria delle Grazie qui s’élève au pied de la montée du sanctuaire. C’est là que bat encore son cœur, sur cette place ensoleillée où l’on conserve sa maison et où ses concitoyens lui dressèrent une statue, voulant honorer, ainsi que le déclare l’inscription, celui qui s’est immortalisé « nell’ arte del dipingere e del plasticare. » Si cette fornule se comprend sur le chemin du Sacro Monte, — puisque l’artiste mit la main à quelques statues des chapelles,— elle est, d’une manière générale, trop ambitieuse. Ferrari ne peut prendre rang que parmi les peintres, mais à un rang très honorable ; et sans aller jusqu’à le compter, comme Lomazzo, parmi les sept