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Elle disposait du reste de l’Italie, à l’exception du royaume de Naples, au profit du grand-duc de Toscane et du duc de Parme en dépossédant le Pape et le roi de Sardaigne d’une partie de leurs Etats. C’est contre ce programme que protestait le marquis de Gallo. Calculant que les Français seraient chassés de l’Italie, que l’Autriche, le Piémont, Parme, la Toscane seraient remis sur le même pied qu’avant la guerre et qu’en aucun cas les puissances ne consentiraient à laisser l’Autriche s’agrandir, il constatait que la république Cisalpine, Gènes et Lucques resteraient disponibles et il en faisait la base d’une combinaison qui permettrait d’agrandir les Etats napolitains en leur annexant les Légations, la marche d’Ancône et le duché d’Urbin. Quant à Gênes, on y supprimerait la forme républicaine et on donnerait ce territoire à un prince napolitain.

On remarquera que le Saint-Siège était la principale victime de ce projet et que cette considération n’empêchait pas le représentant d’un monarque qui se faisait gloire d’être catholique et se déclarait protecteur de la papauté, de chercher à la dépouiller. Il se justifiait, il est vrai, par diverses raisons qui n’étaient à vrai dire que de mauvaises raisons et dont on ne saurait se dissimuler le caractère hypocrite :

« Il est impossible que le Pape règne désormais sur une grande étendue. Il n’en a plus ni la force ni les moyens et ne peut plus y suppléer par l’opinion. La nature même et la faiblesse du gouvernement ecclésiastique ne feraient que prêter à des troubles continuels qui y ramèneraient l’esprit révolutionnaire dont le roi de Naples serait la victime s’il n’avait pas une bonne frontière. Il resterait toujours au Pape, malgré la dite diminution, une assez vaste domination temporelle qui serait proportionnée à ses moyens pour la gouverner. »

Le raisonnement était spécieux et le Tsar ne s’y méprit pas. Lorsque Gallo le lui eut présenté en l’enveloppant de toutes les finasseries diplomatiques que lui suggérait son désir de n’y pas donner une forme positive, il répondit :

— Eh bien ! oui, j’en conviens, il n’y a et il ne saurait y avoir entre nous aucune rivalité. Il nous est imposé par les circonstances d’être d’accord et de sauvegarder mutuellement nos intérêts. Mais que voulez-vous dire ? expliquez-vous, — Et comme s’il eût prévu la réponse de son interlocuteur, il ajouta en souriant : — Je vous vois venir.