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avait été mécontent. Gallo put d’autant moins soupçonner son mécontentement qu’en terminant l’entretien, le Tsar l’invita à dîner pour le même jour.

« Dans cette occasion, écrit-il, j’eus l’honneur d’être présenté à l’Impératrice et à la famille impériale. Sa Majesté m’accabla des marques de sa bienveillance pendant le repas, à la suite duquel elle m’accorda une conférence aussi longue que la première en m’octroyant la permission, en me pressant même, de retourner chez Elle toutes les fois que je le jugerais nécessaire. »

Relativement aux troupes russes sur lesquelles l’Autriche avait mis la main, l’Empereur déclara qu’il n’avait jamais changé d’intention quant aux secours qu’il avait promis au roi Ferdinand ; mais il avoua qu’il avait dû approuver « quelques variations quant au mode d’emploi, » à cause de la difficulté de pénétrer dans le royaume de Naples. » Sincère ou non, cet aveu couvrait l’Autriche pour le passé. En ce qui touchait l’avenir, Paul s’engagea à mettre désormais ses troupes à la disposition du Roi et à ne pas accéder aux propositions que pourrait lui faire la cour de Vienne à l’effet de les employer à d’autres opérations.

Ce point résolu, Gallo orienta l’entretien sur la question de savoir s’il ne convenait pas de donner une plus grande étendue de territoire à la maison de Bourbon en Italie, afin de lui assurer une influence et un équilibre proportionnels vis-à-vis des autres puissances et de ne pas laisser la maison d’Autriche devenir directement ou indirectement unique maîtresse de la péninsule. Les rapports qu’il envoya à Palerme, après cet entretien et après ceux qu’il eut avec Rostopchine, nous permettent de suivre en les résumant les motifs qu’il énuméra à l’appui de sa proposition.

Etant donné, ce qui n’était que trop certain, que l’Autriche entendait tirer de la guerre des profits considérables et pour tout dire « s’emparer de tout, » il était de l’intérêt commun de mettre obstacle à son avidité. Sans parler de ses projets sur la Bavière, les Pays-Bas et le Palatinat, elle rêvait de s’annexer la Valteline, les Grisons, les Etats Vénitiens et la partie des Légations que le Pape avait abandonnée. Sans respect pour les droits du roi de Sardaigne, elle voulait former avec le Piémont et le duché de Parme un Etat indépendant dont le gouvernement serait confié à titre héréditaire à l’un de ses archiducs.