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auxquels il en avait donné connaissance. Tandis qu’il se reposait ainsi sur leur loyauté, éclatait brusquement à Londres et à Vienne la nouvelle de la remise du mémoire. On apprit dans ces capitales que le roi de Naples poursuivait l’agrandissement de ses Etats et que Gallo s’était rendu à Saint-Pétersbourg afin de faire agréer ses projets et d’obtenir l’appui de l’Empereur pour en faciliter l’exécution.

Comment le secret avait-il été violé ? Le marquis de Gallo fut longtemps à se le demander et les circonstances dans lesquelles s’était produite l’indiscrétion restent encore aujourd’hui confuses et obscures. Tout porte à croire cependant que le principal coupable fut Rostopchine. Peut-être le fut-il involontairement ; mais, ce qui est certain, c’est que dans une lettre qu’il écrivait au comte Woronsof, ambassadeur russe à Londres, il avait dit : « Le marquis de Gallo est venu ici avec des idées de partager le monde comme César. » Cette phrase railleuse arriva dans la capitale d’Angleterre en même temps que le Cabinet britannique recevait de son représentant à Saint-Pétersbourg le mémoire de Gallo.

Woronsof comme Rostopchine n’avait pas vu sans regret l’empereur Paul prendre part à une guerre dont la Russie ne pouvait rien espérer et qui servait uniquement les intérêts de l’Autriche et de l’Angleterre. Il n’approuvait pas davantage les prétentions du roi de Naples dont Gallo s’était fait l’interprète à Saint-Pétersbourg. La phrase de Rostopchine qui semblait les condamner le fit sourire d’aise. Il la répéta à son collègue napolitain le marquis de Circello. La correspondance de celui-ci ne laisse aucun doute sur les sentimens de jalousie qu’il nourrissait à l’égard de Gallo. Elle autorise à penser qu’il répéta à son tour l’appréciation malveillante de Rostopchine, qui, promptement répandue dans le corps diplomatique, y fut l’objet de commentaires dans lesquels Gallo n’était pas épargné.

A Londres, on s’était montré disposé à s’en amuser ; à Vienne, on s’en offensa. La colère de l’Autriche eut son écho à Palerme où déjà, tout en approuvant l’initiative du représentant de Naples, on n’approuvait pas qu’il eût employé les expressions « indemnités et indemnisations » pour préciser les dédommagemens qu’il réclamait en faveur du roi Ferdinand. Néanmoins, après lui avoir exprimé un regret sur ce point spécial, on avait rendu justice à son habileté et entièrement