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connaître, c’est connaître tout ce que cet âge a produit d’essentiel. Si le Bernin n’a pas toutes les audacieuses nouveautés de maîtres tels que Borromini ou Guarini, qui tour à tour ont provoqué tant de blâmes et d’éloges, il fut plus qu’eux le véritable interprète de la pensée chrétienne du XVIIe siècle. Plus qu’eux, il a vécu dans la joie et trouvé, sans s’épuiser jamais, les formes convenant à un âge qui a voulu mettre autour de ses autels toutes les beautés et toutes les richesses de la terre, qui a voulu que les églises, ouvertes aux plus humbles et aux plus déshérités, fussent plus belles que les palais des rois. Jamais dans le monde l’idée de démocratie ne s’est affirmée d’une manière plus souveraine. Jamais on n’a dit plus clairement aux hommes : Vous êtes tous des frères, et si l’égalité ne règne pas parmi vous à toutes les heures de la vie, elle régnera au moins dès que vous aurez soulevé la portière de cette église, et pénétré dans ce sanctuaire où toutes les richesses vous seront offertes et où vous trouverez, vous les plus pauvres des hommes, des trésors et des fêtes artistiques qui jusqu’alors n’étaient réservées qu’aux princes de la terre.

En France et plus encore dans les pays du Nord, on conçoit l’église comme un lieu de recueillement et de silence, comme un lieu où nous venons pour réfléchir sur nos fautes et demander pardon. En Italie, au contraire, l’église est faite pour éveiller la joie dans le cœur des fidèles, pour leur donner la sensation de cette vie heureuse que le monde leur refuse, pour leur dire que c’est au pied des autels que Dieu donne le bonheur à ses élus.

J’ai entendu un jour de la bouche d’un Italien très cultivé une parole qui me fit bien nettement comprendre la différence des deux conceptions : « Je n’aime pas vos églises françaises, me disait-il, elles sont trop tristes, on ne peut pas y prier. » Quel trait de lumière, pour nous qui, en France, entendons toujours dire qu’on ne peut pas prier dans les églises italiennes parce qu’il y a trop de luxe et qu’elles nous paraissent ressembler à des théâtres ou à des salons !

La papauté du XVIIe ne fit pas tout d’abord de ses architectes de grands constructeurs d’églises ; l’âge précédent en avait tant construit qu’il fallait terminer ce qu’on avait fait, surtout il fallait le terminer en en modifiant l’esprit ; il fallait enrichir ces églises que les papes de la Contre-Réforme avaient faites