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trop simples et trop austères. Et le plus important tout d’abord fut de décorer la Basilique de Saint-Pierre qui, au XVIIe siècle, n’était qu’une immense masse de pierre, telle que les maçons lavaient faite, et sans qu’aucun artiste eût été encore appelé pour l’embellir. La plus grande partie de la vie du Bernin a été consacrée à ce prodigieux effort. Maître-autel, Chaire de Saint-Pierre, Monument de la comtesse Mathilde, Tombeaux d’Urbain VIII et d’Alexandre VII, décor des pylônes de la coupole, décor de la grande nef, surtout décor des nefs latérales et à l’extérieur construction d’un clocher aujourd’hui démoli, loi fut le colossal labeur dans lequel partout il sut faire preuve des idées les plus originales et les plus fécondes.

La construction du Maître-Autel, qui fut sa première œuvre, lit éclater son extraordinaire génie. Le superbe baldaquin de bronze, avec ses colonnes torses et son couronnement par de hautes et élégantes volutes, était bien à la fois l’œuvre grandiose telle qu’il la fallait pour être vue dès la porte de l’église, et l’œuvre légère faite pour ne rien masquer des lignes de l’architecture. Quarante ans plus tard, le Bernin reprit le même motif, en lui donnant une souplesse et une élégance nouvelles, dans le grand autel du Val-de-Grâce à Paris.

C’est aussi un autel que le Monument de la Chaire de Saint-Pierre. Après le Maître-autel placé au centre de la coupole de Saint-Pierre, le Bernin conçoit un autre autel pour décorer le fond de l’abside. Là il peut s’appuyer contre la muraille, il n’y a rien derrière lui qu’il risque de cacher, et l’œuvre s’ordonne avec toute une forêt de statues, dans une puissance ascensionnelle qui prend notre regard et le conduit des robustes figures de docteurs soutenant la chaire de Saint-Pierre jusqu’à ces nuées d’anges qui volent dans la lumière, jusqu’à cette trouée du ciel d’où descend la colombe du Saint-Esprit.

Mais à Saint-Pierre il faut voir surtout l’œuvre décorative du Bernin. Le premier, il comprend que le décor si charmant, mais un peu mièvre, des maîtres de la Renaissance ne convient plus aux vastes dimensions des églises du XVIIe siècle. L’art de Raphaël, dérivant des ornemens légers faits pour les petits intérieurs des maisons de la Rome antique, n’était plus à sa place. Il fallait trouver un décor à plus grande échelle. Et le Bernin pense aussi que Bramante avait commis une lourde faute en se contentant pour les voûtes de Saint-Pierre d’un motif de caissons