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alternance de formes concaves et convexes, il fit, à la Sapienza, la chapelle de Saint-Yves. Cette chapelle, dont les formes sont plus ramassées et qui n’est pas surmontée simplement d’une calotte surbaissée, comme à Saint-Charles, mais d’une coupole et d’une haute lanterne, fait prédominer partout cette idée de verticalisme que le Borromini affectionnera particulièrement, et qui, sur bien des points, le rapproche des maîtres gothiques. Cette chapelle est surtout intéressante à l’extérieur : les murs de l’église se dressent au-dessus des bâtimens qui l’environnent et forment un large tambour sur lequel pose une coupole, portant à son tour une lanterne en spirale qui est si haute et si aiguë qu’elle apparaît comme un véritable clocher. C’est tellement anormal, tellement sans précédent dans l’art italien, et l’on peut dire dans l’art européen, qu’il est difficile de ne pas y voir une influence de l’art oriental, de cet art des Indes, de la Chine ou du Japon, dont les missionnaires pour la première fois révélaient les arts à l’Europe.

Borromini se montre non moins original dans cette église de Sainte-Agnès que les Pamphili firent construire sur la place Navone, en annexe de leur palais. L’histoire de la construction de cette église est fort compliquée, et la critique ne s’est pas encore attachée comme il conviendrait à en dissiper les incertitudes, et à fixer la part de chacun des artistes qui y ont tour à tour travaillé. Sans entrer ici dans tous les détails que comporterait cette argumentation, je crois qu’il faut penser que le plan de l’église fut fait par Girolamo Rainaldi, que la décoration intérieure jusqu’à la grande corniche fut l’œuvre de son fils Carlo, et que la façade, les clochers et la coupole sont de Borromini.

Ici Borromini se révèle à nous comme ordonnateur d’une façade d’église, et pour la première fois dans l’art italien nous voyons une grande façade sur un plan courbe. On ne saurait avoir une idée plus heureuse, car rien n’est plus accueillant qu’une ligne concave. Les enfoncemens que l’art gothique mettait dans ses façades par l’ébrasement de ses portes, nous les retrouvons ici, et ce n’est plus seulement une porte qui s’élargit, c’est la façade tout entière qui semble s’avancer vers nous et nous ouvrir les bras.

La façade de Sainte-Agnès, avec ses grands clochers, est extrêmement intéressante par l’alliance des formes classiques et