Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Borromini avait une trop forte personnalité pour travailler en subordonné, et il différait trop du Bernin pour que la séparation ne fût pas inévitable. Tous les historiens nous parlent de l’hostilité de ces deux hommes qui, dans une certaine mesure, rappelle celle qui exista pour des raisons analogues entre Michel-Ange et Raphaël.

Privé de la protection d’Urbain VIII qui réservait toutes ses faveurs au Bernin, Borromini, qui était Milanais, reçut une première commande d’une communauté milanaise, qui lui fit faire le couvent et l’église de Saint-Charles Borromée, dite Saint-Charles aux quatre fontaines. Et dès cette œuvre nous voyons constitués les principaux élémens de son art.

Borromini, plus encore que tous ses contemporains, renonça aux lignes droites pour adopter les lignes courbes. Tous les architectes, à ce moment, le Bernin, Pierre de Cortone, les Rainaldi, se passionnent pour ces formes ; mais, dans ces recherches, Borromini se montre si ardent, si audacieux qu’on doit le tenir, sur ce point, pour le chef de tout son siècle. Dans l’histoire de l’art, cette adoption, cette prédominance de la ligne courbe, est une des plus importantes, une des plus grandes nouveautés de l’âge moderne, une de celles qui sont destinées à avoir dans l’avenir les plus fécondes conséquences.

Borromini renonce aux plans carrés ou rectangulaires, et un plan rond ou ovale lui paraît encore trop simple ; il veut des formes plus raffinées, donnant par leur complication de plus séduisans effets. Sa petite église de Saint-Charles, qui est étroite vers la porte d’entrée et vers le chœur, se renfle légèrement en son milieu, produisant, par le raccord de ces parties, des alternances de formes concaves et convexes. Seize colonnes, diversement espacées, décorent les murs, en entourant des niches, des portes et des autels ; une basse coupole ovale couvre toute la nef de l’église. C’est une œuvre charmante qui nous ravit encore et nous fait comprendre l’enthousiasme qu’elle excita parmi les contemporains de Borromini. « Il donna, dit Passeri, la preuve d’un talent admirable. Cette église est si belle par son charme, son élégance, l’heureuse distribution des autels, par ses courbes et ses nouveautés si bien ordonnées, par sa richesse et sa clarté, qu’il n’est pas un esprit indépendant qui ne la considère comme un miracle de l’art. »

Dans les mêmes recherches de complication, avec la même