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déroula pas dans le calme absolu. Ces petites républiques reflètent l’histoire générale de leur temps ; elles subissent les effets de tout ce qui se passe en Europe. La ville, travailleuse, aisée, proie tentante, eut tout de suite des ennemis acharnés. Les évêques de Strasbourg d’abord, et les seigneurs féodaux, puis les routiers des Grandes Compagnies, les Armagnacs, Charles le Téméraire. Elle rendait les coups, et elle y avait du mérite, car, bien qu’elle fît partie de la Décapole d’Alsace, elle se trouvait presque toujours réduite à ses seules forces, les autres villes devant, elles aussi, livrer sans cesse des combats pour leur propre sûreté.

La guerre civile ne l’épargnait pas non plus : car les sentimens et les intérêts des nobles s’opposaient constamment aux sentimens et aux intérêts des bourgeois. Aussi lorsque Bâle chassa de son territoire toutes les familles nobles, Mulhouse, imitant son exemple, bannit les siennes pour toujours, et même quelques familles patriciennes avec « toutes leurs nichées, » de celles qu’on appelait Achtbürger. Les bourgeois, certes, y gagnèrent de remplacer les patriciens, mais la ville fut affaiblie pour de longues années, car cette expulsion la privait de ses plus riches familles et transformait celles-ci, réfugiées aux environs, en ennemis toujours prêts à fomenter des troubles. Aussi, après une dernière guerre, la plus cruelle, la guerre dite des six deniers (la cause prochaine en fut la réclamation de six deniers présentée en 1465 par un garçon meunier étranger que soutenaient les seigneurs chassés), les Mulhousiens s’allièrent aux cantons suisses de Berne et de Soleure, alliance renouvelée en 1515, mais à perpétuité et avec les treize cantons.

Mulhouse se détachait ainsi de l’Alsace et entrait dans la Confédération helvétique. Elle n’entreprendrait aucun service étranger sans le consentement des cantons, et suivrait, dans toutes les circonstances graves, les conseils de la Confédération ; de part et d’autre on se prêterait, au premier appel, assistance réciproque de corps et de biens. Naturellement, lorsqu’un an plus tard François Ier conclut avec la Suisse la paix perpétuelle, Mulhouse, signataire de ce traité, dut fournir au roi des soldats. Ce furent ses premiers liens avec la France ; détournés de l’Allemagne, ses regards s’en allèrent désormais vers notre pays qui fut, jusqu’à la réunion finale, toujours attentif à l’honorer et à la protéger.