Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/429

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
425
MULHOUSE.

l’attachaient à l’Empire, ou du moins à s’administrer d’une façon tout à fait indépendante, en ne faisant valoir ses liens avec l’Empire qu’en cas de péril. Mulhouse patiemment tendit vers sa liberté complète. En 1347, elle obtient le droit d’élire un bourgmestre, fonction qui diminue le rôle du préteur impérial, et en 1397 la charge de préteur est abolie. Les empereurs continuaient cependant à percevoir quelques revenus ; la ville les rachète en 1457. Dès lors commence la vie autonome de Mulhouse, État bien petit, sans doute, à peine grand de deux à trois lieues carrées, mais maître de lui-même. Trois bourgmestres exercent le pouvoir exécutif, chacun présidant alternativement durant six mois, et aidé par les douze maîtres des tribus, neuf conseillers ou échevins et un syndic, toutes fonctions conférées par voie d’élection.

Cette constitution ne changera qu’au XVIIIe siècle, où le conseil, augmenté par de nouveaux élus, sera divisé en deux, le petit qui jugera souverainement les matières criminelles et en premier ressort les affaires civiles, le grand qui gouvernera, édictera les lois, contractera les alliances, réglera les affaires de religion, jugera en appel. Chaque année, après la Saint-Jean, bourgmestres, grand et petit conseil, chefs des corporations, corps de la bourgeoisie, se réunissaient le matin, à l’église Saint-Étienne, et là le syndic, après avoir expliqué les actes accomplis et exposé les projets, lisait la formule du serment que les autorités prêtaient à la commune et la commune aux autorités. Chacun se levait à son tour et jurait. Il n’y a plus seulement la ville, mais la république de Mulhouse[1]. Et république, Mulhouse ne l’est pas seulement de nom et de fait, elle l’est tout autant de sentimens. Elle est née républicaine, et elle le demeurera à travers les vicissitudes de son histoire, si l’on entend par là avoir la passion de l’indépendance, la volonté de se gouverner soi-même, l’instinct de la solidarité collective. Nulle localité en Alsace n’a possédé autant de libertés ; de là son importance, car au moyen âge l’importance d’une ville s’estimait moins par son étendue que par les franchises dont elle jouissait.

On devine aisément que l’existence de Mulhouse ne se

  1. Cf. Histoire de la ville de Mulhouse, par Ch. de Lasablière, 1856, passim. — La République de Mulhouse, par Albert Metzger. Bâle, Henri Georg éditeur, passim.