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MULHOUSE.

plus considérable du temps pour la perfection de ses produits et la beauté de ses dessins.

L’activité s’accrut considérablement. En 1772, on comptait quinze fabriques. Des orfèvres, des médecins, des boulangers devenaient fabricans d’indiennes ; les artisans de la ville et des campagnes voisines quittaient leurs métiers ou leurs champs pour les ateliers ; le Conseil admit les étrangers mariés à s’établir dans la commune : la population augmenta dans de grandes proportions. Bientôt les manufactures, excitées par la concurrence, recherchèrent les dessinateurs et les coloristes habiles, et produisirent surtout de belles marchandises. Les fortunes rapides entraînaient au goût du luxe, des belles habitations, des beaux meubles, des belles toilettes. Un hôtel comme celui de la Cour de Lorraine, recevait tous les étrangers de distinction ; Jean-Henri Dollfus y vivait avec beaucoup de faste, si rigide sur la question de l’étiquette qu’il obligeait ses enfans et ses petits-enfans à se présenter devant lui, les jours de fête, en habit de cérémonie. Trente ans après l’association de Dollfus, Kœchlin et Schmalzer, Mulhouse, jusqu’alors ville agricole, n’était plus qu’une ville d’usines où les intérêts industriels l’emportaient sur tous les autres.

Or cette prospérité, Mulhouse la devait principalement au marché français. Si jamais se fermait ce marché, où elle ne rencontrait, pour ainsi dire, pas de concurrence et qui achetait ses meilleurs produits, c’était la ruine. Une ordonnance royale justement créa une seconde Compagnie des Indes orientales en 1785, et une autre interdit, au profit de la Compagnie, toute importation de toiles de coton étrangères. Mulhouse envoya aussitôt à Paris une députation que présidait le syndic, Josué Hofer, un de ses plus éminens citoyens. Lui voyait clair ; d’une part, il voulait que sa ville restât indépendante ; de l’autre, il voulait qu’elle conservât sa prospérité. Pour lui garder les ressources de l’industrie, il tâcha d’obtenir du gouvernement français les facilités de commerce nécessaires ; pour lui garder sa liberté, il s’efforça de renouer avec toute la Confédération suisse, les cantons catholiques comme les cantons protestans, une alliance qui n’existait plus qu’avec les cantons protestans. Il réussit, après de patiens efforts, à unir de nouveau Mulhouse aux cantons catholiques ; mais, du côté français, il échoua. Le gouvernement français lui fit comprendre que, si Mulhouse désirait un