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le chiffre prodigieux de 2 250. Le nom de Kœchlin était apparu de bonne heure à Zurich, vers 1320, ensuite à Mulhouse au début du XVe. Après une assez longue interruption, on le retrouve aux XVe, XVIe, XVIIe siècles, à Zurich, à Berne, à Lucerne, à Schaffouse. Les Kœchlin de Mulhouse venaient de ceux de Zurich, qui prétendaient se rattacher à la maison noble de Singenberg, de Saint-Gall. Un d’eux, établi définitivement à Mulhouse en 1596, y avait été reçu bourgeois ; mais, au contraire des Dollfus, leur participation au gouvernement de l’ancienne république ne fut qu’accidentelle.

L’association était donc formée. Cette industrie se présentait dans des conditions très bonnes. Nouvelle, elle ne tombait pas sous le coup des règlemens minutieux qui chargeaient les anciennes industries et ne gênait aucune des professions traditionnelles ; une petite rivière fournissait de l’eau excellente pour la fabrication. La ville avait liberté entière de commerce avec la Suisse, l’Allemagne et l’Alsace ; en France même, elle ne rencontrait d’autre concurrence que celle de la Compagnie des Indes orientales, et, bien que ses produits fussent frappés de droits, elle vendait à meilleur compte, parce qu’elle était tout près, et qu’elle avait à bon marché sa main-d’œuvre. Tout d’abord, il est vrai, il y eut un peu de découragement. La force motrice était alors fournie par une roue d’eau, si l’on disposait d’une chute, ou par un manège que mettait en mouvement un cheval aveugle ou un bœuf maigre, dont on utilisait la bouse pour la teinture et qu’on revendait avec un gain l’année suivante après l’avoir engraissé. On se contentait d’appliquer des dessins sur des toiles achetées en Suisse, et le coloris se bornait au rouge et au noir qu’on appliquait avec une combinaison de vernis ; quelques parties réussirent mal. Mais un coloriste de Hambourg, que le hasard amena aux associés, leur apprit le secret d’employer le rouge de garance en différentes nuances et d’enluminer les feuillages ; d’autres couleurs parurent successivement[1]. Les résultats furent splendides, et après quelques années, la manufacture primitive ne put suffire au travail. Les associés, se séparant, formèrent chacun une maison. Celle de Jean-Henri Dollfus fut la première et la

  1. Relation historique des progrès de l’industrie commerciale de Mulhausen et ses environs, 1823, par Mathieu Mieg l’aîné.