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MULHOUSE.

dération suisse. Enfin, lassé, le gouvernement français montrait sans hypocrisie aux délégués tous les avantages de l’annexion. Il y avait deux partis à Mulhouse, le parti proprement mulhousien qui acceptait tous les sacrifices plutôt que la perte de l’indépendance, et le parti français qui ne s’en tenait plus aux sentimens républicains un peu étroits des anciens Mulhousiens, mais qui, séduits par les idées françaises de justice, d’humanité, de progrès, cédait aux sentimens plus larges, plus généreux, plus débordans de cette nouvelle et grande République. À la fin, les raisons de l’intérêt convainquirent les plus intransigeans. Résister plus longtemps à une nation qui venait de signer la paix de Campo-Formio, ce serait la mort de Mulhouse. Le syndic Josué Hofer et le bourgmestre Jean Hofer, tous deux Mulhousiens passionnés, rédigèrent un rapport sur la nécessité de s’unir à la France.

Le 3 janvier 1798, le grand Conseil et les Quarante, institués en septembre 1790 pour donner leur opinion dans les affaires concernant la France, en entendirent la lecture en assemblée. Quatre-vingt-dix-sept voix contre cinq adoptèrent les conclusions, et le lendemain les bourgeois, au nombre de 666, appelés à voter à l’église Saint-Étienne, confirmèrent presque à l’unanimité le vote des magistrats. Le 18 janvier le sieur Metzger, commissaire français, arriva à Mulhouse pour régler les détails du traité dont Nicolas Thierry, député à Paris, avait jeté les bases, et, le 15 mars, une fête célébra cette réunion. Vieille de six cents ans, la République de Mulhouse cessait d’exister, et désormais, ainsi que le porte un lambrequin tricolore de l’époque conservé au Musée historique, elle repose dans le sein de la République française.

Lutte singulièrement émouvante que cette lutte entre un si petit État et une aussi grande nation, en train de bouleverser le monde. Depuis près de deux siècles que Mulhouse a signé, comme membre de la Confédération helvétique, la paix perpétuelle avec la France, elle a éprouvé tout à la fois la puissance et le charme de sa royale voisine, et maintenant que la République victorieuse proclame à travers le monde la liberté et la fraternité, elle subit, malgré les excès de la Révolution, l’attrait de ces principes qui, sur un territoire infiniment plus petit, ont toujours été les siens. Mais il y a son indépendance qu’elle voudrait conserver… Mais il y a la prospérité de la cité