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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/444

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projetée par les États allemands du Rhin, la concession d’une voie ferrée entre Strasbourg et Bâle. Il avait déjà l’année précédente construit la ligue de Mulhouse à Thann où roulaient les locomotives sorties de ses ateliers. On se figure mal les difficultés qu’il eut à vaincre, mais il triompha de tout ce qui contrariait ses desseins, et, avant le délai fixé par la loi, la première locomotive arrivait de Mulhouse à Strasbourg. Un autre Kœchlin, André, était, celui-là, le petit-fils de Jean-Henri Dollfus le peintre, qui, associé de Schmalzer et de Dollfus, s’était ruiné sous la Révolution. Ses parens, raconte-t-on, considéraient le chapeau comme un luxe inutile, et il n’y en avait qu’un pour tous leurs fils, porté de droit toute la journée par le plus matinal. André le portait presque tous les jours. Doué d’une prodigieuse facilité de travail et d’un don unique d’assimilation, il dirigea d’abord la maison Dollfus Mieg, puis entreprit de fonder un vaste établissement de constructions. Son établissement, devenu aujourd’hui la Société alsacienne, eut bientôt une réputation universelle. Un ministre de l’Intérieur disait de lui : « S’il y avait en France plusieurs maires de Mulhouse, il ne me resterait qu’à démissionner. »

La Société industrielle cependant ne bornait pas son activité aux seuls progrès de l’industrie ; elle s’occupa avec la même ardeur intelligente de tout ce qui touchait à la vie même des travailleurs, et l’on ne sait où elle a montré le plus d’initiative originale, si c’est dans le domaine purement industriel ou dans le domaine social. Par un phénomène qui a presque la rigueur d’une loi, à Mulhouse, comme ailleurs, à mesure que se multipliait le nombre des manufactures, la misère se multipliait parmi les ouvriers. Située à l’extrême-frontière, Mulhouse recevait un continuel afflux de Suisses et d’Allemands qui augmentait la population sans cesse déjà grandissante. Des milliers d’ouvriers logeaient dans les villages voisins, obligés de parcourir deux lieues le matin, par tous les temps, pour venir à un travail qui commençait à cinq heures, et deux lieues le soir, pour s’en retourner chez eux, quand le travail était fini, à huit heures. Les autres, voulant reposer davantage, s’entassaient, en ville même, dans de misérables logemens, où deux familles couchaient dans la même pièce, sur de la paille que deux planches retenaient sur le carreau. La nourriture se composait de pommes de terre, d’un peu de mauvais lait, de mauvaises pâtes et de