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prolongées et répétées ? L’idée d’un concordat s’agitait-elle vraiment entre eux, comme le langage tenu à Mgr Vallet permettait de l’escompter ? On ne saurait le dire, ni même si dans leurs causeries quelque sérieuse amorce fut posée. Il semble que Jacobini était et voulait être lent, qu’une mûre étude du terrain lui paraissait nécessaire. Le mois d’octobre lui apporta désinformations nouvelles : sans mêler aux négociations les hommes du Centre, — ce qui eût irrité Bismarck, — il tenait du moins à savoir d’eux ce qu’ils pensaient. Windthorst alors descendit jusqu’à Vienne et, sous le toit de l’historien Onno Klopp, il conversa longuement avec le cardinal. Jacobini put ainsi parler, non seulement en représentant du Saint-Siège, mais en avocat discret des catholiques allemands, lorsqu’il reprit avec le prince de Reuss, successeur de Stolberg à l’ambassade de Vienne, les pourparlers ébauchés avec le chancelier.

Les organes bismarckiens, pour accélérer la bonne volonté romaine, faisaient de malignes allusions aux progrès de l’anti-cléricalisme français : puisque, du côté de Paris, les menaces grossissaient contre Rome, Rome avait intérêt à épier les sourires de Berlin. Ils affirmaient avec un mélange de hauteur et de complaisance que le chancelier ne serait pas homme à profiter des embarras de Rome pour imposer des conditions draconiennes : le chancelier voulait la paix, et ne s’abaissait pas à ces calculs de despote. Il expédia à Vienne, pour éclairer et seconder le prince de Reuss, un consulteur compétent, qui n’était autre que le bureaucrate Hübler, ancien collaborateur de Falk. Hübler avait fait les lois de Mai ; on lui confiait un rôle dans une besogne qui aboutirait, fatalement, tôt ou tard, à la démolition de ces lois ; telle l’ancienne Pénélope, défaisant avec ponctualité la tapisserie que ponctuellement elle avait tissée. Bismarck pensait peut-être que, pour démonter des rouages, on ne pouvait trouver ouvrier plus compétent que celui-là même qui les arrangea.

Il y avait une autre capitale où les deux diplomaties causaient volontiers : c’était Paris. Les réflexions qu’échangeaient entre eux, sur les bords de la Seine, le prince de Hohenlohe et le nonce Czacki, n’avaient pas le caractère d’entretiens diplomatiques ; elles n’engageaient aucun des deux pouvoirs, ni même aucun des deux ambassadeurs : elles pouvaient et voulaient passer pour des propos en l’air ; mais il est des circonstances