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moment même où de sa part Hohenlohe disait à peu près à Rome : Je ne veux plus traiter avec vous, Bismarck, se retournant vers les catholiques de Prusse, se préparait à leur dire Parlons ensemble, et parlons de vous.

Il causait à tort et à travers, le soir du i mai, au cours de sa soirée parlementaire, et lançait, probablement à dessein, des réflexions qui paraissaient se contredire entre elles. « Puttkamer, disait-il, a fait beaucoup d’avances aux catholiques, peut-être trop, parfois. Il se peut bien faire que nous soyons dans l’obligation de reprendre toutes nos anciennes armes ; » et puis il ajoutait, faisant volte-face : « Je n’attendrai pas que Rome ait accompli le premier pas ; je ne m’inquiéterai pas de savoir jusqu’où elle le fera : je déposerai dans la prochaine session un projet de loi qui m’autorisera à une application douce des lois de Mai. Contre le rappel des évêques émigrés, je n’aurais pas d’objections : ils pourraient ensuite, en pourvoyant les cures vacantes, contribuer à l’apaisement. » Sa décision était prise ; il allait, sans Rome, travailler à la paix. « Se désarmer, il ne le voulait pas : il ne jetterait pas au loin les lois de Mai, mais il les déposerait dans l’arène. » Les bureaucrates furent mis sur les dents : il fallait que, pour le 18 mai, le projet fût prêt.

Le 8 mai, le Reichstag, où l’on discutait un projet de loi sur la navigation de l’Elbe, fut surpris de voir Bismarck se lever, et parler des choses d’Eglise. Parce que, dans cette question commerciale, Windthorst ne pensait pas comme lui, Bismarck proclama devant l’Allemagne entière que l’attitude du Centre à l’endroit du gouvernement devait être considérée comme un baromètre des intentions de Rome. Or, qu’était-ce que le Centre ? Une tour de siège, dont se servaient contre lui, Bismarck, les autres partis ; un assaillant, sur les épaules duquel montaient tous les autres opposans. Les métaphores les plus incohérentes se succédaient sur ses lèvres. Le Centre, c’était encore une sorte de passif dont l’avenir parlementaire était grevé ; le Centre, c’était un poids mort. El voilà pourquoi Bismarck n’avait plus confiance dans Rome. Il feignait le découragement, tout proche chez lui de la colère ; il était prêt à s’en aller, à laisser le Roi lui donner pour successeurs, en Prusse, des ministres conservateurs et cléricaux, qui prendraient, eux, le chemin de Canossa ; et ce serait tant pis pour les élémens libéraux, qui passaient leur temps à le quereller et à