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n’avait rien accordé à la Curie : à force de vouloir marcher du même pas, on n’avait pas marché du tout. Bismarck, te 26 mai, livrait aux journaux l’inutile correspondance diplomatique à laquelle le point final venait d’être mis ; ils avaient mission de conclure que, si les catholiques de Prusse continuaient de souffrir, le Pape, le Centre, en étaient responsables. Mais le bénévole chancelier, s’attendrissant sur les souffrances des catholiques du royaume, apportait un projet de loi qui lui permettrait, à son gré, s’ils étaient des sujets bien sages et s’ils s’adressaient à lui, d’adoucir certaines de leurs souffrances ; et si le Centre le voulait, ce projet de loi deviendrait loi ; et si le Pape le voulait, s’il autorisait curés et fidèles à se servir de la loi, elle pourrait leur être secourable. Telle était l’impopularité croissante du Culturkampf que Bismarck, qui se déchargeait, déjà, de la responsabilité de l’avoir déchaîné, travaillait artificieusement à charger Léon XIII et Windthorst d’une responsabilité presque aussi grave : celle de le faire durer.


VIII

Le 20 mai, le jour même où se rouvrait le Landtag, le projet de loi était déposé. Il comprenait onze articles, qui ne formaient pas un tout : on eût dit, bien plutôt, onze projets de loi différens, indépendans les uns des autres. Sur les onze, il n’y en avait qu’un seul qui corrigeât, d’une façon définitive, le texte des lois de Mai : l’Etat, de par cet article, renonçait à dire que les prêtres indociles aux lois pouvaient être « licenciés de leurs fonctions, » mais maintenait qu’ils seraient déclarés incapables de revêtir ces fonctions : c’était une rectification de forme, une reconnaissance implicite de ce fait que la collation des fonctions sacerdotales était chose d’Eglise ; mais la concession était singulièrement platonique, puisque l’Etat, en frappant un prêtre d’une telle déclaration d’incapacité, continuerait, en fait, sous des peines très sévères, à lui interdire sa besogne de prêtre. Les dix autres articles mettaient le gouvernement en mesure de suspendre ou de mitiger, à certains égards, l’application des lois. La déposition de plusieurs évêques, la mort de quelques autres, avaient condamné les diocèses à un long veuvage : trois articles permettaient à l’Etat, s’il le jugeait bon, de reconnaître de nouveau, comme évêques, les prélats déposés, d’admettre à