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vous m’êtes inutile. « La confiance du gouvernement est affaiblie, » déclarait le chancelier. Et puis il continuait :


Cependant le gouvernement royal, dans le même esprit pacifique avec lequel il a accueilli les premières ouverture ; de Sa Sainteté, avec la sympathie qu’il a toujours éprouvée pour les communautés privées de prêtres, ne tardera pas plus longtemps, de sa propre initiative, à proposer aux organes législatifs les mesures compatibles avec les droits imprescriptibles de l’État, pour rendre possible le rétablissement d’une administration diocésaine et pour remédier au manque de prêtres. Sur l’instant où nous pourrons continuer les pourparlers avec la Curie, nous ne serons en mesure de nous expliquer qu’après que le Landtag aura voté sur le projet de loi. À mon avis, il s’agira d’aviser, par la voie des mesures de clémence et des pouvoirs discrétionnaires, à rendre possible l’exercice des fonctions épiscopales, soit aux anciens titulaires, soit à des titulaires nouveaux, étant donné qu’ils se soumettront à l’obligation de ne pourvoir les cures qu’après avoir fait connaître à l’État les noms des curés.


Ainsi Bismarck, brusquement, dans la lettre même par laquelle il tournait le dos à Rome, annonçait le dépôt d’un premier projet réparateur ; projet qui ne priverait l’État prussien d’aucune de ses armes, mais qui lui permettrait, à son gré, de serrer certaines d’entre elles au lieu de les manier, et qui d’ailleurs, même voté, n’aurait sa pleine efficacité que si le Vatican, donnant suite à ses avances du mois de février, permettait aux évêques de transmettre au pouvoir civil les noms des curés.

Mais, en cette même journée du 14 mai 1880, dans laquelle Bismarck annonçait cette grave résolution, Nina prévenait Jacobini que, si la Prusse se bornait à corriger l’application des lois de Mai par l’usage de quelques pouvoirs discrétionnaires, le Saint-Siège retirerait la concession proposée en février. Ainsi finissaient trois mois de pourparlers. Bismarck, le 21 mai, prenait acte de la décision de Nina ; il avouait la déplorer, il l’attribuait, soit à des visées exagérées, soit à un malentendu ; il concluait que les velléités d’accord dont avait témoigné la Curie n’étaient pas bien sérieuses ou qu’elles s’étaient heurtées à des obstacles. « En tout cas, déclarait-il, l’attitude de la Curie n’influera pas sur ce que nous avons à faire chez nous, dans l’intérêt de nos concitoyens. Nous déposons le projet de loi. S’il échoue ou si le clergé n’en fait pas usage, ce ne sera pas notre faute. Nous ne demandons pas de contre-concession à la Curie ; nous légiférons dans l’intérêt des sujets catholiques. »

Ni la Curie n’avait rien accordé à Bismarck, ni Bismarck