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Bismarck aurait à sa disposition deux séries de lois : les unes, les vieilles, permettant de marcher vers la guerre ; l’autre, la nouvelle, permettant de marcher vers la paix. Il serait équipé, soit pour se battre, soit pour pacifier. L’Eglise continuerait d’étouffer, ou bien elle respirerait « par la grâce du ministre. »

C’est Canossa, criait la Gazette de Cologne à propos du paragraphe permettant de rappeler les évêques. Le Kladderadatsch montrait un train de pénitence qui, joyeusement acclamé par les « noirs, » filait vers Canossa. Sur une autre caricature, un immense Bismarck, un peu courbé, s’égarait dans une forêt ; un homme de service du Vatican, — c’était Windthorst, — surgissait devant lui, tout petit, presque à ras de sol, brandissant en l’air, d’un bras court et nerveux, des paperasses déchirées, les lois de Mai. « Je vais vous conduire, disait ce petit homme ; mais ce n’est pas un doigt qu’il faut me donner, c’est toute la main. » — Il ne s’agit pas de Canossa, ripostaient les Grenzboten : le projet de loi sera, suivant les cas, « un outil de concorde, ou la préface d’opérations de guerre plus intensives. » L’organe bismarckien s’efforçait ainsi de rassurer les nationaux-libéraux, et Windthorst pensait de même, en fait lorsqu’il reprochait au projet d’être une arme à deux tranchans.

A l’écart du bruit que faisait la presse, les débris de l’épiscopat prussien se rassemblaient à Aix-la-Chapelle, pour causer : il y avait là les évêques de Culm et de Fulda, et puis, s’aventurant quelques heures dans leur propre patrie, Brinkmann, l’évêque émigré de Munster, Melchers, l’archevêque émigré de Cologne. C’était un colloque de catacombes. Les voix étaient basses à cause de la police, dont Melchers était justiciable ; mais si basses qu’elles fussent, elles étaient nettes et formelles. Elles concertaient une lettre à l’adresse du Pape. Les évêques remerciaient le Pape, et d’avoir cherché la paix, et d’avoir repoussé les expédiens provisoires que lui proposait Berlin. Ils épluchaient le projet de loi ; ils observaient que ce projet laissait intactes les pires stipulations des lois de Mai : ces paroisses vacantes, qui chaque jour se multipliaient, c’était un souci pour le gouvernement ; il avait voulu, par ce projet, alléger le souci.


Si l’Église coopérait au succès du projet, le gouvernement atteindrait son but ; il serait tiré de son embarras. Mais l’Église, elle, au lieu de voir son sort amélioré, serait réduite à une condition, bien pire encore, de dépendance et d’extrême servitude ; elle serait livrée à l’arbitraire des