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obtenu : dans la série d’amendemens qui furent tour à tour votés, les uns visaient à diminuer les pouvoirs donnés à l’Etat, les autres visaient, au contraire, à les élargir. Par exemple, le paragraphe qui permettait de réinstaller les évêques était supprimé : c’était une victoire pour Bennigsen. Mais le Centre et les conservateurs culbutaient l’article qui laissait les présidens supérieurs libres de poursuivre ou de ne pas poursuivre les prêtres délinquans, et, sur les ruines de cet article, le parti conservateur édifiait une rédaction tout autre : la formule nouvelle autorisait formellement les prêtres dûment reconnus par l’État et régulièrement pourvus d’emplois à s’en aller, par surcroît, faire besogne de prêtres dans les paroisses vacantes ; elle stipulait qu’en cas de mort d’un curé les prêtres auxiliaires qui auparavant aidaient son ministère pourraient demeurer dans la paroisse et y continuer leurs fonctions. Après avoir ainsi accordé à l’Eglise, tour à tour, moins et plus que Bismarck ne proposait d’accorder, la Commission, votant sur l’ensemble, le repoussa.

Effiloché, tout en lambeaux, l’infortuné projet revint devant la Chambre : la presse officieuse signifia qu’en refusant aux catholiques prussiens les satisfactions compatibles avec les droits de l’Etat, on ne répondrait pas aux intentions paternelles du roi Guillaume. Mais le projet semblait bien menacé ; déjà l’on prévoyait qu’après beaucoup de scrutins partiels, qui échafauderaient la loi, un scrutin final la démolirait. Devant la Prusse qui regardait, devant Rome qui de loin guettait, il était à craindre que cet amas d’articles pacificateurs dont Bismarck un instant s’était montré si fier ne se gonflât puis ne s’effondrât, comme les tas de sable que bâtissent les enfans. « Si le Centre vote contre, lisait-on dans la Gazette de Magdebourg, on se vengera sur la presse catholique, sur les associations catholiques ; on établira le petit état de siège dans les provinces catholiques. » De telles bravades cachaient mal l’anxiété. Bismarck, sentant la situation grave, ne paraissait pas au Landtag, faisait dire qu’il était malade ; que, s’étant retiré de toutes les autres affaires prussiennes, il n’allait pas se jeter dans cette bagarre ; et que d’ailleurs, harcelé de désagrémens, il serait déjà démissionnaire si Guillaume ne le retenait pas. Mais son Roi le retenait ; il restait donc, et faisait prévoir que Guillaume, en cas d’échec du projet, aimerait mieux, peut-être, renvoyer la