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il s’agissait d’une question de puissance (Machtfrage), c’est-à-dire d’une de ces questions où Bismarck était spécialiste ; Bennigsen devait avoir confiance, Bennigsen devait obéir.

Bennigsen lisait la lettre de Stolberg, et continuait d’hésiter. L’opposition des hommes du Centre, la tergiversation des nationaux-libéraux, paraissaient compromettre le sort du projet. Mais Bismarck se rendait compte qu’on pouvait réfuter les seconds par les premiers, et les premiers par les seconds. Il allait faire dire aux nationaux-libéraux : « Voyez comme cette loi contrarie le Centre ; la laisserez-vous succomber ? » Il allait, pour nuire au Centre, faire dire aux populations catholiques : « Voyez comme cette loi, combattue par Windthorst et par Borne, contrarie les nationaux-libéraux ; si vraiment elle menaçait l’Eglise, serait-elle si suspecte aux auteurs du Culturkampf ? » Bismarck savait faire bon usage des hostilités qu’il rencontrait ; elles se figuraient être des obstacles, elles espéraient le desservir : et puis elles s’apercevaient bientôt qu’il les exploitait comme des argumens, et que, finalement, elles le servaient.


IX

La discussion générale, qui s’ouvrit le 28 mai, mit deux doctrines aux prises : Windthorst, Pierre Reichensperger, combattirent le projet, parce qu’il livrait l’Église aux pouvoirs discrétionnaires de l’Etat, c’est-à-dire à l’arbitraire de Bismarck ; Zedlitz, au nom des conservateurs libres, l’approuva, en raison même de cette pleine souveraineté dont l’État demeurait investi. Deux ministres, aussi, se mesurèrent, l’ancien et le nouveau, le représentant de la bureaucratie d’État, et le représentant de l’État chrétien, Falk et Puttkamer. Le collaborateur de Bismarck dans la préparation des lois de Mai fit entendre des mots d’inquiétude, des protestations tranchantes, des insinuations captieuses, dont Bismarck fut choqué.

La Commission à laquelle fut renvoyé le projet comprenait 21 membres : 11 d’entre eux appartenaient, soit au parti conservateur, soit au Centre. Les discussions furent des plus confuses. Les amendemens se croisaient, s’enchevêtraient, se bousculaient. De séance en séance, la Commission se déjugeait. Les membres du Centre assistaient à ce désordre, en spectaeurs actifs. On crut un instant, le 9 juin, qu’un résultat était