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encore pour le gouvernement qui les ordonnait que pour l’Église même qui les subissait. On vota, enfin, l’article qui autorisait l’Etat à laisser s’essaimer les ordres hospitaliers ; et cette autorisation aussi avait un caractère définitif. Bennigsen, qui n’avait voulu qu’une loi provisoire, était donc à demi exaucé, à demi vaincu. Cet ensemble, fort hybride, obtint dans la Chambre basse quatre voix de majorité : les conservateurs, les libres conservateurs, une partie des nationaux-libéraux en assurèrent le succès ; le Centre, les progressistes, et le reste des nationaux-libéraux déposèrent des bulletins hostiles.

La Chambre des Seigneurs, à son tour, discuta. Udo de Stolberg, qui approchait beaucoup le chancelier, déclara que l’empire des Hohenzollern ne pouvait se mettre sous la pantoufle romaine ; et puis, après ce tribut payé à la phraséologie de jadis, Stolberg ajoutait : « Les catholiques allemands doivent forcer le Pape et le Centre à la paix. » Ainsi présentait-on la loi nouvelle, première concession faite par la Prusse aux intérêts catholiques, comme un échec au Pape, comme un échec au Centre. Dès que les catholiques feraient violence au Pape, ils ne seraient plus catholiques, riposta le comte Brühl. Puttkamer, au nom du gouvernement, déplora que les catholiques qui avaient le plus d’intérêt à voir finir la guerre eussent, par les bulletins de vote du Centre, repoussé les premières mesures d’apaisement : ce qui nous console, continua-t-il, c’est que la majorité du protestantisme prussien ait reconnu qu’il était temps d’amener une pacification. Sans chicaner, la Chambre des Seigneurs dit : Amen, et le 14 juillet 1880, la signature royale s’apposa sur la première des lois réparatrices.

Parmi les auteurs de la loi, personne n’était content, absolument personne. Il y avait trente mois qu’on parlait de paix religieuse ; et Bismarck, ni à Rome ni à Berlin, n’avait obtenu ce qu’il voulait. Il avait espéré enchaîner le Centre : le Centre et Rome avaient refusé. Il avait longtemps déclaré, avec une pointilleuse arrogance, qu’il ne consentirait de concessions à l’Eglise que lorsque Rome aurait fait un premier pas : Rome, finalement, n’avait rien accordé au sujet de la nomination des curés ; Rome n’avait réalisé aucune concession effective ; et Bismarck, sans plus attendre, commençait cependant de porter atteinte aux lois de Mai. Il avait spécialement désiré qu’on l’autorisât à réinstaller les évêques, ayant l’arrière-pensée, naïvement avouée