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par sa presse, d’imposer à leur retour certaines conditions draconiennes et de dire au peuple : « Ils ne rentrent pas, mais c’est de leur faute ; » mais les nationaux-libéraux, qui déjà voyaient les évêques rentrer en triomphe et Bismarck à pied derrière le char, avaient opposé un refus formel ; et Bismarck demeurait très dépité de leur inintelligence, qui l’avait empêché de jouer une belle partie. Il avait à l’origine stipulé que, dans la loi nouvelle, toutes les concessions accordées à l’Eglise seraient subordonnées, en fait, à son pouvoir discrétionnaire, à lui Bismarck ; et voici qu’en vertu du texte définitif, tous les curés prussiens reconnus par la Prusse pouvaient, sans demander aucune permission spéciale aux agens du chancelier, s’en aller dire la messe, confesser, baptiser, dans les paroisses vacantes. L’habileté bismarckienne avait fait des prodiges ; mais Bismarck, cependant, enregistrait une série de déceptions. On était mécontent, aussi, chez les nationaux-libéraux : il y en avait un grand nombre, dans les provinces, qui demeuraient, à travers vents et marées, fidèles à l’intransigeance de Falk, et les députés qui derrière Bennigsen avaient fait un premier dégât dans la bâtisse nationale-libérale des lois de Mai étaient sévèrement jugés ; de plus en plus le parti se disloquait, et bientôt, laissant s’affaisser sa vieille énergie, l’historien Sybel quittait la politique, en disant tristement qu’au temps où il avait fait les lois de Mai, il avait pensé qu’elles dureraient toujours.

Mais l’épiscopat, mais le Centre, pouvaient doublement se réjouir. Ils pouvaient se réjouir d’abord, pour avoir repoussé la loi, qui substituait à l’inflexibilité des lois précédente ? la souplesse de la dictature bismarckienne : il ne convenait pas que le Culturkampf finît par un geste de l’Eglise, se remettant au bon plaisir de Bismarck. Et puis, — cela n’était pas contradictoire, — ils pouvaient se réjouir, ensuite, de constater que malgré eux le projet de loi triomphait : car à l’écart de l’Eglise, et sans le concours de l’Eglise, la majorité protestante du Landtag, poussée par une nécessité nationale, avait pour la première fois tâté les chaînes dont la législation prussienne avait surchargé le catholicisme : il lui avait paru convenable que certaines d’entre elles fussent brisées, ou, tout au moins, pussent être relâchées. Habemus confitentem reum, disait triomphalement Auguste Reichensperger en constatant cette résipiscence de la Prusse, et il écrivait à sa femme, le lendemain du