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LA NOUVELLE COUVÉE
(LETTRES À FRANÇOISE)


LETTRE I


Ambleuse, 1er  septembre.

Me voilà installé, ma chère nièce, dans ce logis désuet, silencieux, charmant, où notre ami M. de Lespinat me conviait depuis longtemps à séjourner. Lorsqu’il me rencontrait à Paris, c’est-à-dire trois ou quatre fois par an, autour de votre table, il me prenait à part et me disait :

— Si vous venez en Berry, cet été, n’habitez donc plus chez mes voisins Laterrade. Ils sont délicieux ; mais, entre nous, le bruit et le désordre de leur maison doivent offenser vos usages… Ambleuse est plus petit et moins riche que Rein-du-Bois : seulement, outre qu’Ambleuse a plus de style, rien n’y troublera vos méditations, vos lectures, ni votre labeur. Du matin au soir, je suis aux champs ou à la chasse. Quant à mon fils Georges, il est, comme vous, un homme à paperasses et à bouquins, outre qu’il vous porte tant d’estime qu’il ne bougerait de tout le jour, plutôt que vous importuner. Venez à Ambleuse.

Et si j’objectais que la châtelaine de Rein-du-Bois, Lucie Laterrade, est la sœur de votre mari, ma Françoise ; que vous-même y résidez à l’automne, et que délaisser Rein-du-Bois pour Ambleuse désobligerait sans doute votre belle-sœur, il se mettait à rire.

— Chassez ces scrupules ! J’aime infiniment Mme Laterrade ;