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faire accepter une réforme notable, dont une plus grande rigueur aurait sans doute compromis le succès.


Les receveurs généraux furent plus durement traités. Ils étaient quarante-huit, qui coûtaient à l’Etat plus d’un million par an. Ils furent restreints à douze, avec des attributions modifiées, et leur traitement total fut réglé à 300 000 livres. Ici, la chose ne passa pas sans exciter des récriminations. Les receveurs avaient de puissans appuis à la Cour ; ils firent agir leurs partisans, ou, pour mieux dire, leurs obligés. Louis XVI fut assailli de réclamations et de plaintes. On fit appel à sa pitié ; on allégua, dans l’espoir de toucher son cœur, le triste sort des subalternes que « l’implacable cruauté » du directeur général des Finances allait, par contre-coup, plonger dans l’infortune. On montrait avec larmes « trois cents familles détruites, » et cinq cents petits employés réduits à la misère !...

Les princes du sang intervinrent également, mais en invoquant des raisons d’un ordre moins sentimental. Ils avaient jusqu’alors le droit de désigner eux-mêmes les receveurs préposés à la perception dans les terres de leurs apanages. Six de ces charges étaient ainsi à leur nomination. Ils jetèrent les hauts cris, quand ils connurent l’arrêté de Necker, se prétendirent frustrés, affirmèrent que le Roi lui-même ne pouvait, sans leur consentement, toucher à leur prérogative. « Tous les princes, écrit M. de Kageneck[1], sont ligués contre M. Necker à cette occasion. » Le Comte d’Artois, surtout, montrait une indignation violente ; il fut trouver la Reine, la conjura d’agir auprès du Roi et de plaider la cause de la famille royale. Mais Marie-Antoinette eut assez de bon sens pour opposer, cette fois, un refus absolu à ces sollicitations déplacées ; et, du coup, toute l’effervescence tomba, comme une flambée de paille. Au plus fort de l’orage, comme le directeur général prenait congé du Roi pour se rendre à Paris : « Vous laissez beaucoup d’ennemis ici, lui dit affectueusement Louis XVI, mais je vous défendrai. »

Plusieurs autres opérations, portant sur des fonctionnaires moins en vue, réalisèrent aussi des économies appréciables.

  1. Lettres de Kageneck, 9 avril 1780.